Une brève histoire des loups-garous au cinéma
- Jasmine

- 18 nov.
- 6 min de lecture
C’est lors d’un cours de sociologie du cinéma à l’université que je découvre une passion qui dévore ma vie à pleines dents depuis plus d’un an : les films de loups-garous. N’en plaise à ma consœur Kim, mais les vampires, c’est surcoté. La figure d’un lycanthrope, (mi-loup, mi-humain) nécessite un certain budget pour sa création, que ce soit au travers d’effets pratiques ou d’effets visuels (ou même les deux à la fois). Si l’on peut facilement citer un film de vampire (la saga Twilight, le Dracula de Coppola ou encore Nosferatu), nommer un film dont le personnage principal est lycanthrope, ou dont le récit porte sur les loups-garous, peut s’avérer plus complexe.
En France, la figure du loup-garou est plus qu’une figure de pop culture. Elle fait partie de l’Histoire de la France, et plus précisément du Jura, avec la fameuse Bête du Gévaudan. Le mythe, basé sur plusieurs récits entremêlés, laisse toujours le doute planer quant à l’identité d’une bête qui aurait fait une centaine de morts entre 1764 et 1767.
Peut-être connaissiez-vous déjà cette histoire qui fut reprise au fil des épisodes de la série Teen Wolf (2011-2017, MTV). Mais avant d’arriver à Scott, quelles furent les figures mythiques du cinéma de loups-garous permettant au jeune ado américain de bercer toute une génération d’adolescents, à coup de dents lacérées et de battes de baseball ?
Alors que le cinéma est encore un art nouveau, un tout premier film de loup-garou est déjà produit au Canada. Il s’agit de The Werewolf (1913, Henry MacRae). Malheureusement, nous ne pourrons jamais voir la première transformation lycanthrope du cinéma. Comme c’est le cas pour de nombreux films de cette époque, la pellicule utilisée contenait du nitrate, un ingrédient particulièrement inflammable, qui causa de lourdes pertes sur notre patrimoine cinématographique. Aujourd’hui, on estime que 90 % des films produits avant 1929 sont perdus pour toujours, et parmi eux, le premier film de loup-garou, avec un personnage principal féminin. Si ce film n’avait jamais été perdu, peut-être que les figures suivantes n’auraient jamais été majoritairement masculines ? The Werewolf est un lost media que même Feldup ne saurait retrouver.
Deux décennies plus tard sort The Werewolf of London (1935, Stuart Walker) aux États-Unis. Le film raconte l’histoire d’un botaniste anglais parti en expédition au Tibet pour récupérer une fleur aux pouvoirs étranges. Alors qu’il récupère la plante, il se fait mordre par une bête étrange. De retour en Angleterre, il découvre avec stupeur son corps changeant chaque soir, devenant lui-même ce qui l’avait mordu. Sous couvert de racisme et de xénophobie, le film a tout de même le bénéfice d’être le premier film de loups-garous visionnable de nos jours. Cependant, cela ne suffit pas à contrer une narration extrêmement lente et des personnages antipathiques, dont le destin nous est égal.
Si The Werewolf of London est techniquement le deuxième “premier film” (trouvé) de loups-garous, The Wolfman (1941, George Waggner) est LE lycanthrope par excellence. Larry Talbot, personnage principal du film, reviendra dans quatre autres films, et sera l’objet de deux remakes, dont le dernier est sorti en 2025 (Wolf Man, Leigh Whannel). Le loup-garou est ici interprété par Lon Chaney Jr., un acteur aux 1001 visages, qui réalise la plupart du temps ses maquillages lui-même. Nous pouvons également le retrouver sous les traits de Frankenstein (Le Fantôme de Frankenstein, 1942), Dracula (Le Fils de Dracula, 1943) ou encore la momie (La Tombe de la Momie, 1942).
Alors que les nombreux remakes et sequels où les monstres se croisent et se recroisent dans des combats interminables, il faut attendre 1981 pour avoir du renouveau dans ce sous-genre cinématographique si particulier. 1981, c’est l’année du loup-garou. Les mordus de films d’horreur sont ravis : deux grosses productions cinématographiques vont revisiter le mythe lycanthrope.
Le loup-garou de Londres (VO : An American Werewolf in London, à ne pas confondre avec le film de 1935, qui n’a rien à voir), de John Landis, suit l’histoire de deux étudiants américains en voyage en Europe. Ils s’arrêtent dans la campagne anglaise, où l’un des deux est brutalement assassiné sous les yeux de l’autre, qui est mordu par la même créature métamorphe, mi-bête, mi-humaine. Maintenant à Londres, le survivant tente de tout son possible d’échapper à la malédiction du loup-garou, qui le force à se transformer dans d’atroces souffrances.
Hurlements, de Joe Dante, raconte l’histoire d’une journaliste se rendant dans une retraite spirituelle un peu particulière. Au lieu de parler dev perso et lois de l’attraction, les membres semblent se transformer sous les rayons de la pleine lune…
Difficile de ne pas comparer les deux films, quand ils sont sortis la même année et ont presque failli avoir le même directeur des effets spéciaux. Finalement, c’est Rick Baker qui réalisera la scène de transformation la plus iconique de l’histoire des films de loups-garous, celle du film de Landis. Alors que les précédentes productions, de part un budget limité, ainsi qu’une technologie moins avancée, les scènes de transformations se limitaient à des morcellements du corps évoluant, sans jamais le voir en entier : des oreilles par-ci, des dents pointues par là, une touffe de poils sur les mains, et le tour est joué ! Dans Le loup-garou de Londres, la transformation est longue, éprouvante et même suffocante. Le travail ingénieux de Rick Baker ne passe pas inaperçu, c’est ce même film qui donne l’envie à Michael Jackson de faire appel au duo Landis / Baker pour Thriller l’année suivante. La paume de main s’étire à l’infini, le dos se contorsionne, des os craquent, et la mâchoire se déboîte pour évoluer en une gueule de loup.
Quant à Hurlements, Joe Dante fait appel à Rob Bottin, l’élève de Rick Baker. La scène de transformation est assez similaire à celle de John Landis, Rick Baker devant initialement travailler sur le projet avant de le laisser tomber pour rejoindre son ami de toujours, John Landis. Pour autant, Rob Bottin crée un monstre effrayant, dont le rendu sera tout de même différent. Les deux films connaîtront un énorme succès, qui définira toute une saga pour Hurlements. Le Loup-garou de Londres, lui, ne connaîtra pas de suite.
Dans les années 1980, les films de Landis et Dante ouvrent la porte à de nouvelles productions. Les studios ont de nouveau l’envie et les moyens de produire des films fantastiques à grande échelle. Parmi les nouvelles sorties, plusieurs connaissent un grand succès : Teen Wolf (1985, avec Michael J. Fox, film à l’origine de la série du même titre), Silver Bullet (1985, adapté d’une nouvelle de Stephen King) et Wolf (1994, avec Jack Nicholson et Michelle Pfeiffer dont l’écart d’âge si important donne une tournure malsaine à leur romance).
A nouveau, les films de loups-garous sont en déclin. L’histoire d’un homme mordu un soir de pleine lune, victime d’un nouveau corps incontrôlable, devient vite redondante et lassante.
En l’an 2000, un nouveau film (canadien cette fois-ci) relance le genre en perdition. Il s’agit de Ginger Snaps réalisé par John Fawcett (dont j'ai fait la critique l'an dernier). Encore une production pionnière parmi les films de loups-garous, car celui-ci est le premier à mettre en scène une femme loup-garou et sans la sexualiser (et le film n’est pas perdu !). Le film suit l’histoire de deux sœurs adolescentes marginales, dont l’une des deux se fait mordre par un soir de pleine lune. Sous couvert de métaphore sur la puberté, mais aussi les MST, le film tombe rapidement dans l’oubli, les deux suites sortent directement en vidéo, sans passer au cinéma.
C’est ensuite avec Twilight, avec le gentil (mais possessif) Jacob, puis Teen Wolf avec Scott, l’adolescent maladroit mais courageux, que les loups-garous reviennent vers la fin des années 2000, début des années 2010 aux Etats-Unis.
Finalement, si l’on devait résumer l’histoire des films de loups-garous en quelques mots, ce serait : plusieurs premiers films, trop de remakes, plus rien, nouveau film, trop de remakes, plus rien, etc. Et surtout, beaucoup d'auto-références. Leur histoire se répète inlassablement.
Aujourd’hui, les films de loups-garous se font rares, voire inexistants au cinéma. Le remake de Leigh Whannel a largement été méprisé par la critique, et est déjà tombé dans l’oubli. Une figure emblématique du cinéma d’horreur a pourtant relevé le défi de faire un film de loups-garous. Il s’agit bel et bien de Robert Eggers, qui a réalisé Nosferatu (dont Kim a fait la critique) l’an dernier. Si le réalisateur avait déjà massacré la figure mythique du vampire à coup d’ail et de pieux en bois, il semble vouloir faire de même avec le loup-garou, en choisissant le même casting.
Cependant, cela ne signifie pas que les films de loups-garous seront de nouveaux populaires. Le cinéma hollywoodien a plutôt tendance à produire des films marketés comme “gothiques”, c’est notamment le cas avec le Frankenstein de Guillermo Del Toro. Peut-être pouvons-nous alors nous attendre à un nouveau Dr. Jekyll, à une nouvelle momie, à un nouvel homme invisible ?
D’ici là, parez-vous de fusils à balles d’argent et d’aconit, Werwulf de Robert Eggers est prévu pour 2026.
Pour plus de recommendations lycanthropes : Dog Soldiers (2002, Neil Marshall) et Cursed (2005, Wes Craven), dont un photogramme est utilisé comme couverture pour cet article.









Surcoté ! Les vampires c'est surcoté ! Je ne me remettrais jamais. J'exige l'égalité des figures de l'horreur qui sont TOUTES incroyables !