The Fall of the House of Usher
- kim hardonniere
- 12 sept.
- 5 min de lecture
Dernière mise à jour : 29 sept.
C’est le retour de l’automne, la saison idéale pour rester à l’intérieur avec un chocolat chaud et une bonne série. Des choix évidents s’imposent, personnellement mes amies m’ont enfin convaincue de regarder Gilmore Girls, très chaleureux et parfaitement cozy pour la saison. D’habitude, mon choix se serait plus orienté vers quelque chose de sombre, comme la météo. Quelque chose comme le petit bijou de terreur qu’est The Fall of the House of Usher sur Netflix. Cette mini-série, sortie en 2023, amène les nouvelles de Edgar Allen Poe dans un monde moderne et délicieusement gothique. Ames sensibles s’abstenir (et beaucoup de spoilers).

GOTHIIIIIIIIIIQUE
La négligence, l’hubris, l’ambition, l’avarice, la cruauté. Les œuvres de Poe sont des classiques pour une raison, et cette série nous la rappelle, ces œuvres parlent directement de la nature humaine, de ses failles et sa corruption, qui sont universelles et intemporelles. Ce n’est pas dire que nous avons tous l’ambition de Madeleine ou la jalousie de Fredrick, mais c’est simple de les reconnaître en nous et dans le monde qui nous entoure. Il y réellement un travail minutieux d’écriture et réécriture qui a été fait pour calquer si fluidement ces histoires du XIXème siècle à des problématiques très contemporaines.
Le rythme de cette série est si finement réalisé, c’est magnifique. Dès le début, le poids et la fatalité sont omniprésents. On a le poids, tragique, de connaître la fin dès le début, les conséquences nous sont exhibées avant les actions desquelles elles découlent. Le ton est désespéré et ne fait que s’assombrir. Ce qui nous tient accroché jusqu’au bout n’est pas de savoir ce qu’il va se passer mais comment ? et pourquoi ? Ce sont ces mêmes questions qui torturent les personnages et c’est ce qui nous permet de vraiment vivre l’horreur avec eux. Un moment en particulier illustre bien la maîtrise absolue du rythme et de la lenteur au service de la terreur. La mort de Frederick. Il y a une absence notable de grandiose qui accompagne les autres morts et celle-ci semble d’autant plus cruelle par ce fait. C’est effroyable et on ne peut pas détourner le regard.
La punition est-elle proportionnelle au crime ? La question de ce qui est juste revient beaucoup autour de cette série. Le système judiciaire est mis en question car il n’a en rien puni les crimes et horreurs commis par cette famille. Verna, le châtiment de la famille Usher, prétend leur attribuer à chacun une punition proportionnelle à leur crime, ou plutôt à leur faille. En réalité, la punition est la même pour tous les Usher, ils meurent, mais la manière reflète leur vice personnel, leur crime. La négligence, l’hubris, l’ambition, l’avarice, la cruauté. Toutes ces vices, ces failles humaines qui sont au cœur du gothique sont exposé dans des morts plus atroces les unes que les autres. Très cathartique. Mais, Lenore, qui ne fait que du bien, meurt aussi. La punition est-elle proportionnelle au crime ? Elle n’a commis aucun crime, semble n’avoir aucun vice et pourtant elle meurt aussi, c’est injuste mais c’est comme ça. On en revient à la fatalité inéluctable qui pend au-dessus de cette série. La quantité de références dans les œuvres de Poe et dans cette série est juste phénoménale. Le personnage et la situation de Lenore nous dévoilent cette allégorie de la malédiction des Usher comme miroir du péché originel. Il y a un mal à l’origine, qui se transmet par le sang de manière non discriminante et permanente, qui nous garantit tous au final de mourir. Fun.
La Place des Femmes
Quel plaisir de voir des femmes atroces. Evidemment le monde des histoires est plein de méchantes reines, de séductrices et sorcières, et d’innombrables stéréotypes de femmes atroces mais dans cette série elles le sont au même titre que les hommes. Ce sont leurs failles qui les motivent et les détruisent. Malgré le fait que la série est construite autour de Roderick et sa confession à Charles Dupin, on découvre peu à peu qu’en réalité les femmes sont le fil rouge de l’histoire. C’est Madeleine qui dirige toute la vengeance des jumeaux, qui déclenche toute l’histoire, et c’est elle qui réfléchit à l’avenir quand tout semble perdu dès le départ. Toutes les filles de Roderick sont ambitieuses et ont des buts précis qu’elles poursuivent alors que ses fils, soient se complaisent à leur place, soit cherchent un but. Et il y a Lenore. La martyre, la petite fille parfaite qui veut que tout soit juste et bien et qui meurt en conséquence des actions de son grand-père, n’ayant jamais rien fait de mal dans sa vie. Un peu cliché, mais un contraste intéressant avec les autres qui l’entourent. Elle et sa mère sont les victimes, un rôle typique pour les femmes mais ici elles se sauvent entre elles, elles n’attendent pas qu’un homme le fasse. Vu la diversité et complexité des différentes femmes de cette série, le fait que l’antagoniste et tortueuse, Verna, le soit aussi semble presque secondaire.
Cependant, les femmes tombent tout de même dans leur stéréotypes habituels. Comme dans beaucoup d’œuvres d’horreur, le problème est lié à la mère des protagonistes. Pensez à Pamela Voorhees dans Vendredi 13 ou le tueur dans Scream. La mère de Roderick et Madeline était gravement malade et beaucoup de l’histoire et de leurs malheurs remontent à elle, surtout pour Roderick qui y revient à plusieurs reprises, alors que Madeline semble assez satisfaite de blâmer leur père et aller de l’avant, vengeance incluse évidemment. La maladie mentale de leur mère est stigmatisée et diabolisée surtout vers la fin de la série ou les explications commencent à arriver. Encore une fois, ceci est commun dans les histoires horrifiques et gothiques. Le stéréotype de la femme folle dans le grenier vient de Jane Eyre, alors qu’en lisant le roman c’est clair que la femme, Bertha Manson, n'est pas folle, c’est juste une femme maltraité par son mari. Dans son roman La Prisonnière des Sargasses, Jean Rhys expose tout le sexisme et racisme derrière ce personnage tel qu’elle nous est présentée dans Jane Eyre par Mr. Rochester. Les femmes « hystériques » sont innombrables dans les œuvre de fiction, comme Mary dans Le Papier Peint Jaune, notamment d’horreur qui diabolisent leur état mental en malédiction. On le retrouve même aujourd’hui dans des films comme Nosferatu de Robert Eggers.
Tout ça pour dire que les femmes jouent un rôle fondamental et central dans cette série qui est une facette complexe et nuancée dans la grande mosaïque de la place des femmes dans les œuvres de fiction. Le personnage de Madeleine Usher le cristallise parfaitement, c’est une Lady Macbeth, ambitieuse, maîtrisée, brillante, qui reste cependant dans l’ombre de son jumeau qui semble être au cœur de tout. Ce personnage est absolument fascinant et envoûtant à regarder.
Donc, si vous cherchez de la terreur existentielle, du gore, des personnages envoûtant et détestables, tout ça dans une ambiance angoissante et délectable, alors COURREZ voir The Fall of the House Usher.
"Quel plaisir de voir des femmes atroces." Oui, on veut plus de femmes méchantes sans pour autant tomber dans des clichés de vierge vs put*in ou de sorcières type "hag" !! let's go girls!!