Quoi de mieux qu’une soirée de Saint Valentin pour découvrir Ernst Lubitsch ? C’est à travers la comédie amoureuse Sérénade à Trois (Design For Living) que j’ai décidé de visionner d’avantages de films de ce légendaire réalisateur. Ce film sorti en 1933 est un mélange entre classique car il est fidèle au style de cette période mais aussi modernité car il aborde des thèmes qui sont assez tabous pour l’époque à laquelle la comédie est sortie.
En effet, le film échappe de justesse à la censure qu’est le code Hays, appliqué dès 1934 et qui prend entièrement fin en 1966. C’est une censure qui servait à limiter la diffusion de violence et de sexualité et à appliquer le respect auprès de la religion. Il est donc probable qu’à une année près le film d'Ernst Lubitsch n’aurait pas pu faire voir le jour à son film. Car il faut le rappeler, le film suit l’histoire d’une femme qui est amoureuse de deux meilleurs amis et qui n’arrive pas à décider lequel choisir. Donc au lieu de faire un choix qui paraît impossible à ses yeux, elle décide de les choisir tous les deux. Ce qui est intéressant est qu'il n’y a aucun jugement de la part du réalisateur, au contraire, il y a une critique directe de la société quand Gilda Farrell (Miriam Hopkins) dit que les hommes se permettent bien d’avoir plusieurs relations sans que cela ne pose de problèmes et qui se demande pourquoi elle ne pourrait pas en faire de même. Ce film met donc en scène une femme indépendante qui ne se repose que sur ses décisions et besoins.
Gilda Farrell est en effet une femme indépendante qui a réussi par elle-même. C’est elle qui va aider les deux hommes à se créer une carrière réussie car aucun d’eux n’arrivaient à se lancer et qu’ils étaient pauvres. Elle les aide sans les rabaisser et en les poussant à montrer le meilleur d’eux-mêmes. Ce qui est une réussite puisque (Thomas Fredric March) va devenir un célèbre dramaturge et George Curtis (Gary Cooper) un célèbre peintre. En plus de les aider dans leur carrière grâce à son savoir et ses contacts, elle les aide aussi dans leur vie au quotidien. Au début du film, l’appartement que se partagent les deux meilleurs amis est peu attrayant, et ils ne font pas d’efforts pour arranger cela. On peut se rappeler cette scène ironique dans laquelle ils cachent tous les détritus sous un fauteuil ou celle durant laquelle Gilda se laisse tomber à plusieurs reprises sur un fauteuil dont de la poussière ressort en nuage de fumée sous son poids. Or, une fois qu’ils partagent une vie à trois avec Gilda, leur environnement devient plus propre et organisé. Et par la suite, ils vont même obtenir l’opportunité de vivre dans des appartements luxueux.
Les films de cette époque et d’aujourd’hui aussi, dépeignent souvent la vie de la femme dénuée de sens car elle n’a pas d’homme dans sa vie. Ici, c’est la vie de l’homme qui n’en possède pas si une femme n’est pas à leurs côtés au quotidien. D’autant plus que sans Gilda à leur côté, ils se sentent perdus et malheureux malgré leur réussite, ils ne peuvent se défaire d’elle. Et il y a aussi une liberté sexuelle qui est montrée. Certaines scènes sous-entendent à travers l’image et les dialogues que Gilda a eu des rapports avec les deux hommes et ce d’une manière naturelle et non vulgaire. Et Gilda se permet aussi de prononcer le mot “sexe” , chose peu commune dans les films de cette époque, en particulier quand cela sort de la bouche d’une femme.
Pour faire passer ses idées, Ernst Lubitsch décide d’utiliser l’humour du début à la fin, mis à part une confrontation un peu violente entre les deux amis. Et les rires dans la salle ont pu confirmer une chose en ce 14 février, Sérénade à 3 est une comédie unique qui a très bien vieillie et qui plaît même au jeune public. C’est un film qui relève des problèmes de sociétés que nous rencontrons encore et qui permet de s’identifier et de faire passer un message subtil. Ce film peut donc être considéré novateur et osé pour son époque, ce qui le rend d’autant plus attrayant.
Top! J’avais envie de regarder un Lubitsch en plus, ça tombe bien :)