Ce film de Todd Haynes réunit à l’affiche Julianne Moore, Natalie Portman et Charles Melton. Le spectateur comprend dès le début que le film va avoir quelque chose de dérangeant et ce sentiment ne va cesser de s’intensifier.
En effet, grâce au merveilleux et perturbant jeu des acteurs, le spectateur est face à une situation inconfortable. Il est face à une situation qui n’est pas normale et qui n’aurait jamais dû arriver : une femme autrefois mariée qui a épousé l’enfant qu’elle a séduit quand ce dernier avait 14 ans. Gracie (interprétée par Julianne Moore) se fait passer pour la victime dans cette relation comme si c’était la faute de Joe (interprété par Charles Melton). Elle ne cesse de dire que c’est lui, enfant, qui l’a séduit et elle compare son ancienne vie de mère et épouse à celle d’un jeune qui n'avait alors eu qu’une jeune copine comme si cela était proportionnel. Au final elle s’exprime comme si c’était elle l’enfant qui avait été manipulé. Et le déni dans lequel elle vit nous fait ressentir un sentiment malsain autant en tant que spectateurs que personnages de l’histoire. Cela se voit par exemple dans la transformation d’Elizabeth (interprétée Natalie Portman) qui arrive de mieux en mieux à s’approprier le rôle d’Elizabeth au point de devenir son propre reflet. Cette femme qui, au départ cherchait juste à comprendre pour mieux interpréter, a fini par devenir une toute autre femme. Au point que lors de la scène de fin, elle ne cesse de vouloir retourner une scène car elle se sent bien dans le rôle de Gracie. Cela montre à quel point être acteur est un métier parfois dangereux car il est possible de ne faire qu’un avec le personnage que l’on interprète au point de ne plus pouvoir s’en dissocier.
L’un des enfants du couple, Charlie (interprété par Gabriel Chung) réalise que son père n’a pas eu de réelle jeunesse car elle lui a été dérobée. Très vite, il a dû assumer un rôle de père de famille et faire un saut prématuré dans la vie des adultes. Son meilleur ami, du même âge que lui, est devenu son beau-fils et les amis qu’il a dû commencer à fréquenter ont pratiquement 20 ans de plus que lui. Au fur et à mesure du film, le spectateur comprend qu’il commence à regretter cette vie et réalise qu’il est bel et bien la victime de Grazie. La dispute dans la chambre entre Grazie et Joe est assez intense car c’est comme si c’était le Joe de 14 ans qui témoignait de ce qu’il a vécu mais qui, comme beaucoup d'enfants, n’est pas écouté. Il y a une envie d’envol qui est perçue à travers sa passion pour les insectes, surtout les papillons. Les voir grandir et pouvoir s’envoler afin d’être libre devient peu à peu son envie et c’est pour cela qu’il chérit autant ses papillons. Et le fait que Grazie n’apprécie guère cette passion prouve qu’elle veut le garder enfermé dans son monde à elle et l’empêcher d’aller découvrir le monde qu’elle lui a caché durant toutes ces années de mariage.
Malgré ce poids que l’on ressent en regardant ce film, il est intéressant de voir ce film. Le spectateur est directement plongé dans cette relation malsaine et à aucun moment on ne veut la soutenir, on espère au contraire que Joe va partir à un moment. La fin laisse de l’espoir pour cela. Le film plonge le spectateur dans un monde où il a à la fois une vision externe de cette relation, mais aussi celle de la victime qui ne se rend pas compte qu’elle est manipulée et celle de l'agresseur qui pense être la victime d’un système qui l’a jugé pour quelque chose qui lui paraît normal. Il est intéressant que la victime soit un homme car les hommes victimes de ce genre de relation ne sont pas assez représentés, souvent c’est au contraire normalisé et bien vu quand un jeune garçon mineur réussit à avoir des relations avec une femme majeur et plus vieille. Or, ce n’est pas normal et pour bien accentuer en quoi ça ne l’est pas, Todd Haynes montre à travers cette relation qu'il y a un trop grand écart qui les empêche d’avoir une vie agréable et saine.
L’esthétique du film est simple mais très belle. Les décors sont simples et donnent l’impression que les personnages évoluent dans un foyer idéal. Il y a par moment des plans qui mettent en avant la nature et qui permettent de faire respirer un instant le spectateur avant de reprendre le récit. Très peu de personnages sont attachants, mis à part Joe qui partage de belles scènes à l’écran avec ses enfants ou même seul et pour qui il n’est possible de ne souhaiter qu’un avenir meilleur. Mis à part cela, Julianne Moore et Natalie Portman nous offrent encore une fois une magnifique performance, leur talent n’est plus à prouver. Charles Melton, devenu connu du jeune public à travers la série Riverdale et quelques films comiques montre qu’il peut jouer des rôles sérieux et on espère le voir dans d’autres films aussi bien écrits.
Ce film est incroyable... la critique l'est tout autant