La Petite Dernière : lesbienne, musulmane et asthmatique

Avec son troisième long-métrage, la réalisatrice et actrice Hafsia Herzi retrace l’émancipation d’une jeune femme, Fatima, tiraillée entre l’amour des siens et le désir de s’en affranchir. Présenté dans la Sélection Officielle du festival de Cannes 2025, il repart avec la Queer Palm le prix d’interprétation pour son actrice principale Nadia Melliti. 

Fatima (Nadia Melliti) dans La Petite Dernière de Hafsia Herzi (2025)

La Petite Dernière est adapté du roman autobiographique de Fatima Daas. Fatima, 17 ans, vit en banlieue avec sa famille. Elle est en proie à des questionnement sur son identité et découvre rapidement qu’elle est lesbienne. Un nouveau monde s’ouvre devant elle, qui ne tarde qu’à être exploré. La jeune femme fera ses premières expériences via des sites de rencontres, jusqu’à tomber amoureuse de Ji-Na (Ji-Min Park). Sur une Soundtrack avec Rebecca Warrior, Vitalic ou Rema, le.a spectateur.ice embarque dans des montagnes russes émotionnelles ponctuées de références aux Zinzins de l’espace, aux Simpsons, à la Mutinerie, ou encore à la Pride de Paris… 

La foi et le coeur : 

Comme toute sa famille, Fatima est musulmane. Dévouée dans sa foi, elle est souvent montrée voilée, à la mosquée, au petit matin à genoux pour sa prière. Toujours en silence, dans des plans aux couleurs très douces qui rappellent la sérénité de ce moment de dévotion. Tiraillée entre les codes et son identité qui l’appelle de plus en plus fort. Lorsque son petit ami du lycée lui demande sa main dans une cage d’escalier, elle fait le premier pas vers sa liberté. Seulement, comment concilier sa foi et son attirance pour les femmes ? Dans un environnement où les préjugés sont tenaces et le regard des autres omniprésent. Dans une religion qui, implicitement, prohibe les relations intimes entre les femmes. Fatima demande conseil à la mosquée, “pour une amie”. Pris au dépourvu, l’Imam lui répond de ne pas délaisser sa prière, sans lui donner de réponse claire. Fatima en ressort plus perturbée qu’elle n’était entrée. Absurdité, complexité ? Sans jamais enfermer son héroïne dans un déterminisme social, la cinéaste revendique un récit universel, où chacun et chacune peut se reconnaître.

Le film présente un incroyable mélange de culture, avec un grand attachement aux origines. Par exemple, Ji-Na est coréenne – notons que les deux femmes se rencontrent à l’école du cœur – Fatima est algérienne. Une mise en valeur qui passe surtout par le partage et la cuisine. Ji-Na lui prépare des nouilles coréennes. Dans la cuisine, la mère et les sœurs de Fatima ont constamment les mains dans de délicieux mets sucrés. La nourriture comme le ciment des relations mère-fille, entre soeurs. Le film se clôt sur une scène poignante entre mère et fille, autour d’un plat de madeleines trempées dans du chocolat. 

La famille de Fatima dans La Petite Dernière (2025)

Lesbienne mode d’emploi : 

Le.a spectateur.ice évolue en même temps que le personnage principal, à travers un récit initiatique et d’émancipation à la fois pudique et intense. Ces histoires, tout le monde les connaît ou les a traversées à un moment de sa vie, et c’est ce qui fait la force du film. Les potes chiants du lycée, les tentatives désespérées pour rentrer dans les cases, le baccalauréat et la fin du lycée, l’entrée à l’Université – on reconnaît le campus  de Jussieu – les nouveaux ami.es et les premières soirées… Tout est là pour accompagner le public qui développe un attachement fort avec le film. 

La réalisatrice ose poser la question : le sexe entre femme, comment ça marche ? En témoignent des séquences didactiques de description extrêmement précise de positions sexuelles. Notre protagoniste s’éduque, et le.a spectateur.ice déconstruit ses stéréotypes et ses potentiels fantasmes sur les relations lesbiennes.

La Petite Dernière, Hafsia Herzi (Ad Vitam, 1h47), en salles depuis le 22 octobre.