Ginger Snaps : lycanthropie au féminin
- Jasmine
- 18 déc. 2024
- 4 min de lecture
Premier volet d’une trilogie lycanthropique, Ginger Snaps est réalisé par John Fawcett et sort en 2000. Il est l’un des rares films à mettre en avant des loups-garous féminins monstrueux. Le film de John Fawcett a inspiré de nombreux films à mettre en avant la monstruosité au féminin. Ce qui laisse place à de nouveaux films comme The Substance (2024).
Un bouleversement genré des rôles
La dominante des films de loups-garous a toujours été celle d’un homme se transformant. Rarement celle d’une femme loup-garou. Or, si l’on revient aux tout débuts du cinéma, le premier film de loup-garou est bel et bien une femme. En effet, il s’agit de The Werewolf, un court-métrage muet datant de 1913. Il met en scène une femme navajo devenant sorcière suite à une histoire de coeur. Elle transmet ses pouvoirs à sa fille pour se venger des colons envahisseurs, et cette dernière se transforme alors en loup-garou (1). Au désespoir des plus grands fans de film d’horreur, la copie de ce film fut perdue dans les incendies des studios Universal en 1924. Peut-être que si ce film n’avait pas été perdu, il y aurait eu plus de Ginger au cinéma.
Avant Ginger Snaps, la plupart des films mettant en scène des femmes loups-garous avaient pour simple but de répondre à un désir scopique. Leur rôle était de montrer une forte disponibilité sexuelle, par exemple dans Hurlements (1981) avec l’unique femme loup-garou dont le but est de séduire un homme afin de briser son mariage et de le transformer lui aussi.
John Fawcett, en duo avec la scénariste Karen Walton, procèdent à un inversement genré des rôles habituels d’un film de loup-garou. Au lieu d’avoir une femme en détresse et un homme monstrueux, nous avons une jeune femme monstrueuse et des hommes en chair à pâté. Les hommes passent au second plan afin de laisser place à une histoire sur la féminité et la sororité. Ginger (interprétée par Katharine Isabelle) se fait mordre par un loup-garou un soir de pleine lune. Sa sœur Brigitte (incarnée par Emily Perkins) se met en quête de trouver un remède et de sauver Ginger du sort qui l’attend. Elle sera aidée par Sam (joué par Kris Lemche), jeune dealer de drogue qui semble s’intéresser à d’autres herbes que les hallucinogènes.
Un passage à l’âge adulte… horrifique
Ginger Snaps reprend la métaphore de la puberté pour la transformation lycanthropique. Sauf que cette fois-ci, c’est la puberté féminine. Il est rare de voir des films évoquant les premières menstruations, tant le sujet est tabou dans notre société. Pourtant, il concerne près de 50% de la population mondiale.
La puberté est souvent un passage compliqué. Il est également le passage à l’âge adulte, synonyme de la fin de l’enfance. Alors que Ginger et Brigitte s’apprêtent à monter un de leurs plans diaboliques contre une camarade de classe, elles entendent un grondement bestial provenant de la forêt. Au même moment, Ginger se rend compte qu’elle vient d’avoir ses règles. L’odeur du sang attire la bête qui se rue sur la jeune femme. Elle se fait mordre et débute alors une transformation progressive de loup-garou. C’est alors au tour de Ginger de se ruer sur ses proies et de les déchiqueter.
Contrairement aux autres films de loup-garou, John Fawcett opte pour une transformation progressive. Pleine lune ou non, Ginger se transforme au fur et à mesure de l’histoire. Et tous ces attributs lycanthropes évoquent également la puberté. Les deux thèmes sont intrinsèquement liés dans le film. Elle a d’abord des pertes de sang abondantes, des poils qui poussent de manière fulgurante, un accroissement de la force physique et un appétit sexuel. C’est pourtant sur ce dernier point que la métaphore s’essouffle car Ginger peut transmettre sa lycanthropie lors de rapports sexuels. Alors si la lycanthropie est synonyme de règles mais aussi des IST, les règles sont alors vues comme des IST mortelles. Il faut tout de même remettre en contexte le film, qui est sorti il y a 24 ans.
Lors des dernières scènes révélant une Ginger complètement animale, nous pouvons apercevoir des mamelles. Ce détail n’est pas anodin car il met en avant la féminité du monstre tout en conservant son aspect horrifique. De plus, la chevelure étant souvent associée à la féminité, ce sont les cheveux de Ginger qui deviendront peu à peu sa fourrure. Le spectateur a alors devant lui, une véritable louve-garou.
Une esthétique funèbre
L’horreur du film est particulièrement réussie. Dès le générique d’introduction, le film révèle l’atmosphère ennuyante mais sombre d’une banlieue canadienne. En effet, cette séquence est constituée de photos prises par les deux sœurs. Elles mettent en scène leur mort de plusieurs façons différentes, toutes aussi atroces les unes que les autres. Ginger transpercée dans le ventre par le grillage du jardin, Ginger renversée par une voiture, Brigitte pendue dans leur chambre… Le reste du film est tout aussi morbide. Les scènes de chasse de Ginger sont très violentes et le sang coule à flot.
Alors que le passage aux années 2000 est souvent lié à la généralisation du CGI, le budget restreint de Ginger Snaps oblige le réalisateur à opter pour des effets pratiques, ce qui renforce le côté intimiste du film. Le spectateur suit les deux sœurs dans leur chambre et leur salle de bain, en train de trouver un remède.
En plus de renouveler les films de loups-garous, Ginger Snaps apporte une nouvelle vision de ceux-ci. Malgré une limite sur sa métaphore, le film reste très bon dans son scénario comme dans sa mise en scène. Il est dans cette même lignée de films d’horreur façon teen movie des années 1990-2000, comme The Craft (1996), Destination Finale (2000) et plus tard Jennifer’s Body (2009). En attendant de frissonner devant Nosferatu, Ginger Snaps est disponible intégralement et légalement sur YouTube : https://youtu.be/acotFHdYF1w?si=Kidl9GtWFraUX9_H.
Bon visionnage !
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