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Conjuring : Last Film Please

Dernière mise à jour : 29 sept.

12 ans après le premier Conjuring, il est temps de dire au revoir à notre couple favori d’enquêteurs paranormaux. Mais si l’on pleure devant le grand écran, ce n’est pas parce que les séparations sont difficiles ou parce que les fantômes font peur, mais parce que Michael Chaves a tourné la saga au ridicule.


Vera Farmiga et Mia Tomlinson dans Conjuring : L'heure du jugement (2025)
Vera Farmiga et Mia Tomlinson dans Conjuring : L'heure du jugement (2025)

Dans le “Conjuring-verse”, nous comptons 10 films : 4 Conjuring, 3 Annabelle, 2 La Nonne et un La Malédiction de la Dame Blanche. Les deux premiers Conjuring sont réalisés par James Wan et ouvrent la porte à ce nouvel univers cinématographique, tout en produisant ou coproduisant les films qui ont suivi. Les deux autres Conjuring ainsi que La Malédiction de la Dame Blanche (2019) furent réalisés par Michael Chaves.



Un scénario précipité

Dès le premier Conjuring, l’ubiquité de la religion se fait ressentir, et le film ne s’en cache pas. Ed Warren (Patrick Wilson) chasse les fantômes à coup de versets et de crucifix. Il n’hésite pas à partager sa foi avec les familles qu’il aide. “Vous voulez éloigner les mauvais esprits ? Alors vous devriez songer à rejoindre l’Eglise catholique.” Le point de vue chrétien se poursuit dans chaque film et se traduit même dans son scénario : du mariage jusqu’au miracle de la résurrection dans Conjuring : L’heure du jugement (2025). La petite Judy (Mia Tomlinson), fille unique du couple Warren fut miraculeusement ramenée à la vie suite aux prières de sa mère, la scène baignant dans une lumière sainte éblouissante. Sa vie continue d’être mouvementée et l’héritage de sa famille est lourd. En plus de vivre avec Annabelle et toute sorte de bibelots hantés, elle hérite du don de clairvoyance de sa mère, qu’elle tente à tout prix de bloquer. 


Dans un film d’horreur dans lequel les monstres sont des fantômes, et où l’angoisse réside dans le doute : “ai-je halluciné ou était-ce bien une femme à la robe blanche sur le bord de cette route ?”. Le doute est terrible car il remet en cause notre rationalité et nos croyances. Un bon film d’horreur sait trouver la dose parfaite entre moments d’effroi et rationalité. Un mauvais film d’horreur donne des jump scares sans réfléchir. Malheureusement, ce nouvel opus tombe dans la seconde catégorie. 

Dès le tout début du film, Lorraine (Vera Farmiga) accouche de son enfant miraculé, entre cris de douleurs et cris de peur. Un peu plus tard, nous découvrons la famille Smurl, dont l’une des enfants reçoit un miroir plein-pied pour sa confirmation (oui, encore la religion). A peine ouvre-t-elle son cadeau que des phénomènes surnaturels apparaissent. Et pas qu’un peu. Un fantôme souffle les bougies du gâteau et si ce n’était pas assez pour effrayer le spectateur, une poutre tombe sur la table, un peu comme une rentrée à la Sorbonne Nouvelle. Si des petits moments comme les bougies du gâteau mystérieusement soufflées vont frissonner, une poutre l’est beaucoup moins. C’est avec des petits moments de doute, de questionnements, qui paraissent anodins au premier abord que le spectateur commence à se sentir mal à l’aise. Si dès les premières minutes un morceau de plafond tombe sur la famille, il va falloir alors faire de plus en plus fort pendant les 2 heures restantes du film. Ce que Michael Chaves peine à faire.

Tout le scénario semble précipité. Le film peine à trouver un personnage parmi la famille sur qui se concentrer, comme les précédents films avaient pu le faire. Dans le premier, c’était Carolyn la mère de famille, dans le second c’était Janet, et le troisième avec Arne. Donner une figure du gentil héros à qui il arrive tous les malheurs du monde permet deux choses. Tout d’abord, une identification au personnage. En effet, chacun de ces personnages est assez ordinaire : blanc, classe moyenne voire populaire, mais souvent moqué ou incompris par les autres. Et c’est ce deuxième point qui le rend important : il fait figure de martyr. On a peur pour ce personnage, on souhaite qu’il survive à toutes ces épreuves. Et c’est en partie cette empathie qui souligne la peur que l’on éprouve. Si un personnage lambda, que nous connaissons à peine, se fait torturer par un fantôme, nous aurons peur du fantôme uniquement. Mais, si nous voyons un personnage comme Janet, qui peine à se faire des amis à l’école, est injustement punie par sa mère malgré son honnêteté, la voir tourmentée par l’esprit du vieillard de sa maison est d’autant plus émouvant. En plus d’avoir peur du fantôme, nous avons peur pour Janet. Or, dans le nouveau Conjuring, aucun membre de la famille Smurl ne retient vraiment l’attention. Ils ne sont pas réellement présentés au spectateur. Nous ne savons pas qui ils sont en dehors des manifestations paranormales qu’ils vivent. 

Il en va de même pour les “monstres” du film. Qui sont-ils? Il y a bien trois fantômes en colère dans la maison des Smurl mais aussi un démon dans le miroir. Mais qui? Aucune idée. Son nom n’est jamais prononcé. Pourtant, Lorraine cherche tout le long du second opus le nom de “Valak”, le démon qui hante Janet car identifier un démon c’est déjà l'affaiblir. Et c’est en prononçant “Valak” face au démon qu’elle réussit à le bannir. Mais dans L’heure du jugement, Michael Chaves ne semble pas se rappeler de cette règle, ce qui aurait pourtant pu éviter de tourner en rond (surtout pour le miroir). 

Une autre règle établie par les précédents films était que les visions de Lorraine sont des visions. Elles ne peuvent pas l’atteindre dans la vraie vie ou bien seulement au climax du film, face au grand méchant. Il y a un ligne, très fine, parfois franchissable, mais qui divise tout de même le monde des morts et le monde des vivants. Certains voient des apparitions, d’autres entendent seulement des chuchotements mais Lorraine a le don de pouvoir se téléporter chez les morts. Elle voit ce qu’il a pu se passer dans une maison et parfois prend même la place d’un des personnages, voit à travers ses yeux la vérité macabre. Ici, le don de clairvoyance de Lorraine et sa fille est flou. Les deux mondes se mélangent et les superpouvoirs des Warren ne servent à rien. Il suffisait juste à Judy de poser la main sur le miroir une seconde fois, avec sa mère, pour arrêter le démon (dont on ignore toujours l’identité) qui était caché derrière les trois fantômes. Contrairement aux autres films qui prennent leur temps pour réellement enquêter, prendre des photos, avoir des “preuves” de la hantise des familles, les Smurl n’ont le droit qu’à quelques photos amateurs de Judy. Pas le temps de chercher des indices, tout nous tombe dessus, littéralement. Après la poutre, c’est le miroir hanté (par le démon) qui tombe sur Papa Smurl depuis le grenier. Si les trois meurtres des fantômes ont eu lieu au sous-sol, le miroir du démon est au grenier. Pourquoi? Aucune idée. Peut-être ne voulait-il pas se mélanger avec de simples fantômes de la classe populaire. 

Même le générique si iconique de la saga, avec les arrêts sur image en noir et blanc, les petites mises en contexte et le “basé sur une histoire vraie” avec le titre défilant vers le haut est précipité. A peine avons-nous le temps de lire que le titre défile, et lui aussi, de façon plus rapide qu’auparavant. C’est comme si Michael Chaves voulait se débarrasser au plus vite de ce projet. 

La seule raison valable qui aurait pu faire aimer le film, malgré sa médiocrité, était le couple Warren. Leur romance est une partie fondamentale des films Conjuring. D’abord car elle permet d’instaurer une norme blanche chrétienne de classe moyenne/supérieure en montrant le bon exemple : mariage, enfant et surtout foi en Dieu, notre sauveur. Mise à part la présence écrasante de Dieu, l’union des Warren et leur complicité permet aussi au spectateur de souffler entre deux possessions. Après plusieurs terreurs nocturnes et un exorcisme, Ed et Lorraine dansant le slow sur Can’t Help Falling In Love d’Elvis Presley est presque une récompense pour le spectateur. Dans L’heure du jugement, le spectateur est récompensé de la demande en mariage du petit ami de Judy dans le garage des Warren suite à une partie de ping-pong avec Ed. Le spectateur n’a ni peur ni romance. La seule chose lui restant est l’envie pressante que ce film finisse. 



From Freaks to Cheaps

Si les monstres sont visuellement trop présents, sont-ils au moins visuellement terrifiants? Oui, tant leur CGI est mauvais. Il ressemble beaucoup à celui des derniers Marvel comme Ant-Man and the Wasp : Quantumania (2023) ou Thor : Love and Thunder (2022) sur sa médiocrité. L’apparence de ces fantômes est loin d’être originale et est un vulgaire copié-collé des récents films d’horreur. Ils arborent ce fameux sourire à la Joker que nous pouvons aussi retrouver dans le masque d’Ethan Hawke dans Black Phone (2021), le démon de Smile (2022) ou encore le démon d’Action ou Vérité (2018). C’est un sourire déformé, qui donne cette sensation d’inquiétante étrangeté (ou “uncanny valley” en anglais). Un sourire supposé chaleureux, se voulant humain sans l’être vraiment, donnant le parfait opposé, de quelque chose d’anormal. Ce sourire a maintes fois été repris, ce qui ne le rend plus du tout effrayant. D'autant plus que les fantômes de la maison des Smurl ressemblent à de mauvais filtres Snapchat.


Deux des fantômes qui hantent la maison des Smurl (Conjuring : L'heure du jugement)
Deux des fantômes qui hantent la maison des Smurl (Conjuring : L'heure du jugement)

Dans une sorte d’hommage ou plutôt de copié-collé à nouveaux sur d’autres films d’horreur, Lorraine a une vision ensanglantée. Le siphon de son évier se remplit de sang et remplit sa cuisine de sang, rappelant évidemment le couloir de l’hôtel Overlook de Shining. Plus tard dans le film, lorsque Lorraine se confronte à l’un des fantômes au sous-sol, elle est recouverte de sang de la tête aux pieds, comme la Carrie de Brian De Palma. Les précédents films n’avaient pas recours au sang de façon aussi intense. Lorsque la famille Smurl célèbre la confirmation d’une de leurs filles, Papa Smurl filme la petite fête avec son caméscope, les images offrant un effet rétro. Evidemment, il filme un moment étrange, que la fille revisionne en boucle sur leur télévision, un peu à la The Ring (2002). Ou aussi la poupée rousse qui s'envole dans les airs... Chucky? Il y a aussi une tentative de se rapprocher du style cinématographique de James Wan, avec des plans sombres et des mouvements de caméra s’envolant dans les airs. Mais le tout est maladroitement copié. Il ne résulte pas d’une volonté de raconter quelque chose, rien ne justifie ces mouvements stylistiques si ce n’est que leur pur esthétique à la James Wan. Michael Chaves semble tenter par tous les moyens possibles de faire peur au spectateur avec des styles différents mais sans jamais y parvenir. 

En plus des monstres cheap, les costumes des protagonistes le sont aussi. L’esthétique des années 80 est grotesque. Les décors de la maison sont plutôt crédibles : beaucoup de lambris, des meubles en Formica, des tons orange et marron, une télévision cubique, etc. Pourtant, quelque chose dans le casting et les costumes des acteurs fait le même effet que l’uncanny valley. Nous voyons des éléments faisant penser aux années 80, sans réellement être dans les années 80, quelque chose cloche et nous ramène en 2025. Les coiffures notamment sont assez basiques et font très cliché des années 80. Elles ne paraissent pas authentiques. Notamment les figurants, qui ont principalement des costumes et coiffures qui semblent tout droit sorti d’une annonce vinted avec les #vintage #friperie (mais les articles sont en réalité du dropshipping Shein). Ces choix douteux rendent les personnages et l’atmosphère du film totalement ridicules. Judy et sa frange épaisse, certes très années 80, ressemble énormément à Zooey Deschanel. Tout le film, on s’attend à ce qu’elle se mette à chanter le générique de New Girl avec Roger Taylor. 



Vers une immunisation à l'horreur ?

De nombreux spectateurs se sont plaints sur les réseaux sociaux du manque de sérieux lors des projections de Conjuring : L’heure du jugement. En effet, beaucoup sont sur leur téléphone, parlent pendant le film, rigolent à tout va. C’est un phénomène qui se fait ressentir d’autant plus lors d’un film d’horreur, le rire étant parfois la conséquence d’un sentiment de stress. Mais pourtant, les spectateurs n’avaient pas l’air d’avoir peur mais plutôt… de se moquer du film. Et à vrai dire, il y a de quoi. Conjuring était auparavant une saga effrayante, voir Annabelle était un défi que l’on se lançait pour tester nos limites, on attendait avec impatience de voir la réaction de son petit cousin devant “la voiture fantôme”. Mais aujourd’hui, rares sont les films qui nous font réellement frissonner. Alors, sommes-nous habitués à la peur? Oui, probablement. Des centaines d’images choquantes des atrocités commises sur des enfants à Gaza circulent sur les réseaux sociaux. Dans un monde où l’horreur est quotidienne et où le fascime règne, les films d’horreur n’ont plus aucun effet. Il faudra attendre des jours meilleurs pour qu’ils soient à nouveau pertinents. 




C’est donc la fin des Conjuring… Mais pas du Conjuring-verse, repris par Michael Chaves. S’il souhaite poursuivre cette saga, peut-être devrait-il se pencher sur les dossiers judiciaires des Warren et les nombreuses accusations portées sur eux. Mentir et utiliser des familles en détresse psychologique est une chose mais c’est loin d’être la seule chose horrifique à leur sujet…

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