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Twin Peaks: le problème des séries "cultes"

Quelle est la chose la plus effrayante dans Twin Peaks ? Bob / Leland fou ? Le Black Lodge ? Ou plutôt, la pédocriminalité romancée ? La banalisation des VSS ?


Twin Peaks est une série “culte” de 1990. Réalisée par David Lynch, elle a su trouver son public niche au fil des années, notamment avec la sortie du film Twin Peaks: Fire Walk With Me et le revival de la série en 2017. Si cette série est considérée comme le graal pour les plus puristes des cinéphiles, elle a pourtant quelques défauts qui dérangent beaucoup lors du visionnage. Ici nous nous concentrerons sur la série de 1990, sans inclure le spin-off et le revival.


Warren Frost, Michael Horse, Michael Ontkean et Kyle MacLachlan dans Twin Peaks

La pédocriminalité romancée

La pédocriminalité est un crime souvent fantasmé dans l’industrie du cinéma. La plupart du temps vu comme un amour “interdit”, qui vient donner du piquant entre un professeur et son élève, fort heureusement ce cliché se retrouve de moins en moins dans les fictions d’aujourd’hui. Mais ce n’était pas le cas il y a tout juste 30 ans. 

Quasiment tous les lycéens ont eu une “aventure” avec un. adulte. James a plusieurs relations sexuelles avec une femme mariée. Donna embrasse Harold, agoraphobe fan de fleurs. Audrey se fait kidnapper pour devenir une prostituée, est “amoureuse” de l’agent du FBI Dale et trouve l’amour de sa vie, John, ami du père de la lycéenne. Nadine, suite à un traumatisme, revit sa jeunesse, retourne au lycée et… sort avec Mike, lycéen. Ou encore lorsque le vieux maire de près de 100 ans "tombe amoureux" d'une jeune lycéenne après être tombé sous son charme. Ces relations ne seront jamais remises en cause. C’est sans oublier évidemment Laura Palmer, jeune lycéenne qui se prostitue. Mais dans son cas, la prostitution ne sera heureusement pas normalisée. 

Tout est normalisé par la mise en scène et par les personnages. La série tente même parfois de rendre ces relations très romancées, comme un fantasme. Par exemple, la relation entre Audrey et Dale est très problématique. Dale refuse chaque avance d’Audrey. Et lorsque cette dernière lui demande si c’est à cause de son âge, il lui répond que c’est surtout car elle est liée à son enquête. Donc l’âge ne lui pose aucun problème si ce n’est qu’Audrey est témoin. De plus, cet écart d'âge semble effacé de part l'âge de l'actrice (qui a 25 ans en 1990 et joue une adolescente de 18 ans) et son apparence physique : toujours habillée en tailleurs avec des talons hauts. Elle ne ressemble pas à une jeune fille de son âge, comme Donna par exemple. Ainsi, l'écart d'âge paraît moins troublant et leur relation plus désirable.



Des VSS banalisées

Si Bobby et Shelly sont les seuls lycéens épargnés par la pédocriminalité, la jeune femme se retrouve tout de même dans cette même position de domination. Son mari, Leo, la bat. Montrer les VSS (violences sexistes et sexuelles) à l’écran est important. Le pouvoir des images est immense et si l’on s’en sert pour la bonne cause, elles peuvent être bénéfiques. Si Twin Peaks montrait cette violence afin de la condamner, la série montrerait une forme de résistance. Cependant, elle est banalisée. Dans l’un des dialogues entre Shelly et Norma (sa patronne), cette dernière lui dit qu’elle et Leo doivent communiquer plus pour une meilleure entente. Shelly lui répond “Leo ne parle pas, il tape” (“Leo doesn’t talk, he hits”), ce à quoi Norma hausse les épaules et repart travailler. La série n’étant pas si vieille que ça, une telle normalisation des VSS est surprenante et très grave. A notre plus grand bonheur, Leo est torturé à la fin de la saison 2 et meurt. 

De plus, lorsque Shelly est enfin débarrassée de son agresseur, un pédocriminel intervient. Et c’est le réalisateur de la série. Bien que son génie pour créer des films et séries exceptionnels soit reconnu, le fait d’embrasser une adolescente ne l’est pas. En effet, Gordon Cole est le supérieur FBI de Dale Cooper. Il a des problèmes d’audition, ce qui le fait crier à chaque parole (et le rend insupportable). Lorsqu’il rencontre Shelly, c’est comme un miracle, elle est la seule qu’il puisse entendre normalement. Il est tellement heureux qu’il l’embrasse deux fois (et tout ça devant le pauvre Bobby, petit ami de Shelly, pour le rendre jaloux). 



Des femmes dominées et surtout absentes

Si l’on regarde les jeunes femmes habitant Twin Peaks, elles sont toutes victimes d’un crime et de violences. Heureusement pour elles, elles semblent avoir une mémoire courte qui ne laisse aucune séquelle. En effet, si l’une d’entre elles souffre lors d’un épisode, dans le suivant, elles seront toutes pimpantes et prêtes à se jeter dans les bras de leur potentiel amoureux. C’est ce qui arrive à Audrey entre la saison 1 et la saison 2. Après s’être faite kidnapper dans une maison close, son amoureux (Dale, agent du FBI, bien plus âgé qu’elle) vient la délivrer comme une princesse, la portant sur son épaule. Audrey, revenant consciente, se met à pleurer et se jette dans ses bras. L’épisode d’après, elle est toute apprêtée et continue à essayer de draguer Dale. Prendre en compte le traumatisme que laissent de tels événements est plus que nécessaire. 

Parmi les femmes adultes de Twin Peaks, peu sont réellement indépendantes des hommes. Et si elles le sont, elles sont d’une façon ou d’une autre ridiculisées. C’est le cas de la dame à la bûche et de Nadine. Toutes deux montrent des pouvoirs psychiques et physiques (pour Nadine) surnaturels mais l’une est vue comme la “folle du village” avec sa buche qui parle et l’autre aussit est “folle” et régresse (pour sortir ensuite avec Mike, le lycéen). Pire encore, le seul personnage racisé de la série est Josie Packard. Une femme hongkongaise (au premier abord) de pouvoir, subit le schéma hollywoodien du “rise and fall” (“ascension et chute”). D’abord en puissance face à tout Twin Peaks, on apprend qu’elle est en fait manipulée par des hommes bien plus âgés qu’elle et qu’ils en font leur esclave. Comme tous les personnages féminins, Josie avait énormément de potentiel et aurait pu incarner une forme de résistance face à l’oppression masculine. 

Parmi tous les hommes virils des forces de l’ordre, il n’y a que deux femmes parmi eux. Tout d’abord, Lucy, qui, avec Andy, jouent les “neuneus” de la police. Lucy n’est pas sur le terrain mais bien évidemment à l’accueil, comme réceptionniste. La seconde est Denise / Denis, interprétée par David Duchovny (alias Mulder dans X-Files). David Duchovny interprète un travesti. Le personnage aurait pu être parfaitement admis et normalisé. Mais, au vu de tous les problèmes mentionnés auparavant, ce n’est évidemment pas le cas. Tous les personnages semblent gênés par sa présence et la performance de l’acteur laisse supposer qu’il en joue beaucoup. 




Enfin, si Twin Peaks se débarrassait de son côté soap opera (“Feuilleton télévisé à épisodes multiples, mettant généralement en scène des personnages à la psychologie stéréotypée dans des intrigues fondées essentiellement sur les situations et l'action” cf: Larousse), donc la douzaine d’épisodes de trop de la saison 2, bien des dégâts auraient été évités. On remarque la différence de qualité lorsque David Lynch passe de l’acting) à la réalisation, notamment avec le tout dernier épisode de la saison 2. L’esthétique du surnaturel et notamment du Black Lodge est très réussie. On entre parfaitement dans cette atmosphère lugubre et dérangeante. Il ne faut cependant pas oublier que malgré ce côté surnaturel très particulier, il y a de nombreux problèmes qui résident dans cette série. 


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1 Comment


OUI ! Trop de problèmes se chachent derrière l'humour ou le charactère "culte" des séries c.f. Supernatural, Criminal Minds, F.R.I.E.N.D.S. et d'autres, surtout au niveau de la place et la représentation des femmes !

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