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  • Photo du rédacteurJasmine

Nope, ou l'antonyme du miracle

Etats-Unis, 2022. Aux bords d’un ranch californien, un ovni est aperçu en train d’enlever un cheval. Un frère et sa sœur vont alors tenter de filmer cet étrange phénomène afin d’en tirer profit. Pour certains, ce film est un fiasco total, un mélange hétérogène de plusieurs histoires ahurissantes traînant sur une longueur insurmontable. Mais pourtant, c’est un chef d'œuvre incompris qui relève, une fois de plus, du génie de son réalisateur, Jordan Peele. Un film mystérieux, un réalisateur récompensé et une intrigue typique des films de science-fiction américains, comment Nope a-t-il pu échouer, selon la critique, là où bien d’autres ont réussi?

Daniel Kaluuya dans Nope

Un scénario complexe réutilisant un schéma connu

Les scénarios de Jordan Peele sont si singuliers que l’on pourrait résumer le genre de ses films par son simple réalisateur. Nope et sa pluralité de genres s’inscrit parfaitement dans la lignée de ses films: entre l’horreur, la science-fiction et le western. Pour autant il ne s’y perd pas. Contrairement à ses deux précédents films, la compréhension de l’histoire ne se résume pas à un retournement de situation final. Ici, les émotions du spectateur sont menées à la baguette. La tension est constante. L’argument peut aussi être pris dans l’autre sens. En effet, bien des spectateurs se sont plaint d’un départ du film bien trop long, considérant l’arrivée de l’ovni comme le véritable début de l’intrigue. Beaucoup de critiques ont aussi insisté sur le fait que le scénario est complexe et difficilement accessible.

Or, le sujet principal du film n’est pas une simple tentative d’invasion extra-terrestre de la planète, c’est en réalité une critique d’Hollywood et de notre société actuelle. C’est un sujet qui revient assez souvent au cinéma ces derniers temps, dans plusieurs genres de films différents, notamment avec Pinocchio de Guillermo Del Toro, Elvis, etc. Nous retrouvons systématiquement le schéma de la bête de foire et du manipulateur avide de gloire et d’argent: des personnages innocents sont corrompus par Hollywood et se transformeront en numéros de cirque. C’est par ailleurs plusieurs fois le cas dans le film. Tout d’abord avec la fameuse scène d’ouverture sur le chimpanzé: l’animal, ayant assez d’être maltraité sur un plateau de tournage, se rebelle de façon très violente contre (quasiment) toute l’équipe. Ici, le schéma est assez visible.

Plus tard dans le film, Jupe (interprété par Steven Yeun), l’enfant survivant, gérant et animateur d’une fête foraine, a compris que la fameuse créature dans le ciel se nourrissait de chevaux. Alors, afin de la montrer lors d’un spectacle, il utilise un cheval pour appâter la bête. Il n’est pas le seul à vouloir se servir du potentiel commercial de l’ovni en tant que bête de foire. En effet, OJ et Emerald, les personnages principaux du film, incarnés respectivement par Daniel Kaluuya et Keke Palmer, souhaitent mettre en place leur “plan Oprah”. L’objectif est d’obtenir une vidéo de la créature afin de la présenter à la télévision et ainsi, gagner reconnaissance et argent. Nous pouvons également souligner cette obsession de l’enregistrement de ces images à l’aide du personnage de Holst, interprété par Michael Wincott. Il donne sa vie afin d’obtenir l’image de l’ovni: il se fait dévorer par ce dernier alors qu’il le filmait.

Ainsi, le schéma malsain d’Hollywood se reproduit perpétuellement dans le film, de façon assez significative tout en faisant une satire très réussie de notre société obnubilée par les images. Ce schéma paraît tout à fait important de nos jours. Il permet une démystification d’Hollywood et un retour à la réalité. Le rêve américain est mis en lumière et devient alors cauchemar. Finalement, Jordan Peele se réapproprie avec brio des éléments typiques de films d’extra-terrestres à sa façon. Et ce n’est pas sans compter l’aide de son casting doué.


Un jeu d’acteur simple face à une demande d'extraordinaire

Une autre critique est énormément revenue: celle du jeu de Daniel Kaluuya jugé trop modeste, voire inexistant. En effet, nous discernons peu d’émotions sur le visage de l’acteur. Mais il est important de remettre en contexte ces critiques. Il s’agit là d’un personnage renfermé, timide et esquivant les regards à tout prix. Si nous nous référons à la scène d’introduction du personnage, nous pourrions même nous risquer à dire qu’il est anti-social. Il peine à faire un discours devant une équipe de tournage et ne dialogue que très peu. C’est d’ailleurs le reproche que lui fait sa sœur. De nos jours, les spectateurs ne semblent juger la performance d’un acteur seulement lors d’émotions intenses. Si un acteur ne sort pas son grand jeu, ne pleure pas toutes les larmes de son corps, il est considéré comme mauvais. Or, si pour chaque film les acteurs livraient tous une performance époustouflante, est-ce que l’on parviendrait à toujours les croire? Ces performances ne deviendraient-elles pas assourdissantes?


Une esthétique réussie mais pas selon les attentes des spectateurs

L’une des particularités du film, si ce n’est son scénario, c’est sa beauté visuelle. Chaque plan est travaillé avec précision. C’est le travail du chef opérateur Hoyte Van Hoytema, connu pour ses nombreuses collaborations avec Christopher Nolan. L’esthétique du film nous plonge directement dans une ambiance de western, en gardant toujours des plans associés à l’horreur. La tension est par ailleurs renforcée par plusieurs longs plans, qui nous crispent d’angoisse. Notamment celui de la scène du carnage du chimpanzé, qui a suscité de vives réactions. Nous avons un plan de vue subjectif d’un enfant, caché sous une table. En plus d’être un plan visuellement beau, il est très surprenant. En effet, au milieu de la scène se distingue une chaussure d’enfant, tenant debout sur son talon, comme par magie… ou par sorcellerie. Ce plan laisse planer un certain mystère et va donner envie à certains d’essayer de décortiquer le film. Que signifie réellement cette chaussure? Pour d’autres, cela représente juste une scène incompréhensible parmi tant d’autres. Pourtant, c’est l’essence même du film qui est montrée. Jordan Peele joue sur le côté décalé de la situation face à la réaction des personnages: juste après le carnage, l’enfant salue le chimpanzé d’un “check”. Ce fort décalage est donc montré par les réactions des personnages mais aussi par ce plan insolite.

Les autres scènes les plus mémorables sont certainement celles mettant en scène l’ovni, surnommé Jean Jacket. En effet, ce dernier est immense et un grand nombre de plans d’ensemble montrent son impressionnante grandeur. Or, beaucoup ont critiqué l’apparence de Jean Jacket. En effet, si l’on est habitués à des ovnis dignes des années 60 américaines en pleine guerre froide, nous serons forcément déçus. Ici, l’ovni a une forme de soucoupe, mais lorsqu’il se dévoile réellement, il présente des longs voiles blancs, faisant certainement référence à la célèbre robe de Marilyn Monroe. Certains ont constaté que la créature n’était pas effrayante. Certes, mais l’ovni n’a jamais été présenté comme tel. Il apparaît comme un animal sauvage qu’OJ et Jupe essaient chacun de dompter à leur tour. Jupe tente de le dompter de façon maladroite, amateure, tandis qu’OJ, le fait de façon plus professionnelle. Gérant d’un ranch, il a l’habitude de s’occuper des animaux et d’en prendre soin. De la même façon qu’avec ses chevaux, il l’apprivoise en évitant de croiser son regard. Cette idée d’un ovni animal est d’ailleurs confirmée par une scène très importante du film. Jean Jacket, tel un prédateur, se déploie, par exemple pour impressionner sa proie.


Une erreur de marketing fatale de plus en plus récurrente

Le film n’a pas su faire beaucoup d’entrées et a déçu de nombreux spectateurs. Malgré sa grande qualité, peu de choses ont été dévoilées au public lors du marketing. L’affiche laisse perplexe: un cheval flottant en direction du ciel. La bande-annonce, elle non plus, ne permettait pas au spectateur de comprendre avec certitude de quoi le film parlait. C’est le cas de nombreux films aujourd’hui, qui, malgré une bonne construction narrative et une mise en scène très réussie, ont une promotion si mauvaise que cela entraîne une très faible fréquentation en salle. Nous pouvons par exemple penser à Babylon de Damien Chazelle. Échec total à sa sortie, en partie à cause d’une très mauvaise promotion qui donnait une image totalement différente de ce qu’était le film en réalité. Ce n’est donc en aucun cas un problème lié au film et à sa construction mais plutôt un problème lié autour du film, en particulier sa promotion et sa distribution.

Si certains apprécient ce côté mystérieux lors de la sortie d’un film, d’autres en sont repoussés. Les mauvais retours peuvent aussi s’expliquer par les mauvaises critiques d’Hollywood. L’industrie aurait donc boudé Nope à sa sortie, vexée d’être ainsi montrée, préférant donner tous les oscars à Everything Everywhere All at Once.





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