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“Les joies du monde sont notre seule nourriture. La dernière petite goutte nous fait encore vivre.” Jean Giono

Dernière mise à jour : 13 févr.

Un jour, j’ai demandé à une personne ce qu’elle aimait le plus dans le théâtre et elle m’a répondu les émotions et l’apprentissage. N’est ce pas exactement ce qu’on recherche dans le cinéma ? The Lunchbox réalisé par Ritesh Batra possède l’art de nous transporter en Inde, de nous initier à sa culture mais surtout de nous faire vibrer.

Irfan Khan dans le rôle de Saajan Fernandes dans The Lunchbox de Ritesh Batra.
Irfan Khan dans le rôle de Saajan Fernandes dans The Lunchbox de Ritesh Batra.

Sorti en 2013, ce premier film du réalisateur est une véritable déclaration d’amour pour son pays, sa culture et à sa population. Ila (Nimrat Kaur) une femme au foyer délaissé par son mari décide de lui cuisiner de bons petits plats lorsqu’il est au travail. Cependant la lunchbox se trouve par erreur sur la table de Saajan Fernandes (Irfan Khan) un comptable proche de la retraite, veuf, triste et solitaire. Un scénario sobre qui permet de concentrer notre regard sur la façon dont il est mis en forme avec ses plans sur la ville, dans les transports, la circulation quelque peu ahurissante sans oublier des plans sur d’appétissants plats préparés. Sa façon poétique de montrer la beauté tout autant que la difficulté de vivre dans ce pays lui à permis d'être sélectionné au festival de Cannes en 2013 dans le cadre de la semaine critique et concourt pour la Caméra d’or ainsi que présenter au festival international du film de Toronto. 

   


Dans cette comédie dramatique et romantique, ce film est un voyage au cœur de la société indienne. N’y a-t-il rien de plus significatif pour les peuples que leurs points communs et leurs différences. Lorsque nous appelons notre repas du midi, apportez de notre maison une gamelle ou pour les Anglais une lunchbox, les Indiens eux parlent de dabbas qui un repas léger qui est un assemblage de gamelles. À Bombay, depuis 127 ans, il existe un système de livraison complexe, efficace et quasiment infaillible qui livre des déjeuners chauds emballés dans des dabbas aux employés de bureau de la ville depuis leur domicile en banlieue ou chez un traiteur. Les Indiens se doivent de respecter certaines habitudes alimentaires selon leur caste et préfèrent donc un repas fait maison. Ce système fait appel à des livreurs connus sous le nom de dabbawallahs. Ils sont principalement originaires de la communauté Vakari dont le plus grand enseignement est le don de nourriture. Avant 13 heures, c’est plus d’un millier de lunch box qui sont déposés. Il est tellement impressionnant de voir un système comme celui-ci fonctionner dans une ville aussi complexe qu’il a fait l’objet d’une étude menée par Harvard Business school. Elle identifie un taux de retard ou d’inversion est, en effet, évalué à 1/16 millions de lunch box distribuées.  À noter alors que ce scénario est bien plus original une fois contextualisé. C’est comme un petit documentaire dans le film, on les suit de l’appartement d’Ila au transport à vélo jusqu'au train, allant même jusqu’à écouter leur chant durant leur voyage. Ils sont le fil de cette histoire, c’est une sorte d’hommage à la profession, le réalisateur met des visages sur des travailleurs de l’ombre autant pour le montrer à son peuple que pour l’exposer aux yeux des autres populations. Un autre aspect mis en avant dans la mise en scène, ce sont les transports à Mumbai. Ils sont une véritable source de fascination pour le spectateur. La ville ne s'arrête jamais, les voitures ne s'arrêtent jamais, les trains semblent eux aussi rouler en continu. On suit cette frénésie autant visuelle qu’auditive sans pouvoir s'arrêter de regarder, étonné par ses transports pleins à craquer de monde, ces portes encore ouvertes et cette population hétéroclite.


Theodore Zeldin, un historien et sociologue à écrit un jour “La gastronomie est l’art d’utiliser la nourriture pour créer le bonheur”. Rien de plus fondamental dans un film ou la nourriture est une part essentielle de ce qui nous est montré à l’écran. Elle l’est autant que les dabbawallahs et que les transports un marqueur culturel unique. Lorsqu’Ila cuisine ses plats, on est comme transporté dans sa cuisine, pas de musique, pas de superflu dans la présentation, il n’y a rien qu’elle et ces gros plans de plats préparés avec amour. On le ressent, au plus profond de nous mais aussi dans notre palais, on a envie de se pencher, de sentir et goûter à la richesse de ce qui nous est montré. Et puis il y a dans ces plans serrés lorsque Saajan ouvre ces plats au travail, une odeur qui s’en échappe que l’on ne peut malheureusement pas sentir mais qui est aisé d’en apprécier sa saveur imaginaire.


Avec ces aspects visuels prépondérants et ce scénario en toute simplicité, nous ne nous y trompons pas, ce film est aussi doux qu’amer. Ila avec cette erreur dans la distribution de la lunchbox va entamer une relation épistolaire avec Saajan. Leurs récits sont personnels mais se veulent comme une confession globale sur la vie en Inde. Subtilement ainsi que frontalement, on évoque la difficulté à vivre dans une société éreintante, on rappelle la place des femmes en Inde comme femme au foyer, spectatrice de leur vie parfois conduite au suicide. On aborde la solitude paradoxale que l’on peut ressentir dans une des villes la plus peuplée du monde. C’est une correspondance attachante et poétique dans laquelle les mots sur papier nous amènent à mieux connaître et comprendre les personnages et qui permet de développer une suite logique à cette relation sans tomber dans le cliché de l’histoire d’amour car cela n’en est pas une. Les relations entre les humains et ces personnages de l’histoire sont délicates et réfléchis pour nous être retranscrit le plus honnêtement possible. Ritesh Batra souhaite autant rendre hommage à son pays que de montrer ce qui contrarie notamment le mélange des castes. Saajan Fernandes par son nom et lors de sa visite dans le cimetière chrétien montre avec finesse qu’il est en dehors des castes. Son remplaçant Shaikh lui est musulman et souhaite épouser une femme en dehors de sa caste. Ila, quant à elle, porte un tika et un sari signifiant son origine hindoue. Tous ces détails sont des jalons qui vont à contre-courant d'une perception de la société par caste. Dans ce film, on effleure simplement les réalités de la vie dans la société indienne sans en faire trop.  



The lunchbox est un film qui fait du bien, il touche notre curiosité, nous fait réfléchir sur notre condition, notre vie mais surtout notre âme. Lorsqu'on se demande ce qu’on aime dans le cinéma, je me rappelle alors que c’est les émotions et l'apprentissage, des sentiments que l’on retrouve dans ce film.




Sources :




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