La Mélancolie, quel meilleur titre pour ce film ?
- Nalwenn V
- 18 oct. 2024
- 4 min de lecture
Ce qui est magique avec le cinéma est que lorsqu’on ressort d’une séance, on n’a l’impression d’être une personne différente et dans une vie différente. Cela est principalement dû aux acteurs qui arrivent à retranscrire les émotions voulues. L’impact est par ailleurs plus fort lorsqu’on a un coup de cœur pour le film et l’histoire partagée. Le film La Mélancolie de Takuya Katô fait ressentir au spectateur cet effet : en ressortant de la séance on se sent mélancolique.
Il n’y a de meilleurs noms pour le film de Takuya Katô que celui qui lui a été attribué. Du début à la fin, nous suivons Watako (interprétée par Mugi Kadowaki) qui veut à tout prix continuer à vivre comme si de rien n’était alors que son amant vient de décéder. Sauf que s’il y a bien un message important que le film fait passer, c’est que le déni ne fait qu’empirer les sentiments renfloués. A la mort de Kimura (interprété par Shôta Sometani), Watako pense que cela met un terme à la double vie qu’elle a vécu jusque-là. Mais cela ne fait que l'amplifier. Par ailleurs, elle n’appelle même pas les urgences quand il se fait renverser et on se demande si la période de déni commence dès l’accident, ou bien si elle a trop honte pour avouer son infidélité.
Lorsqu’elle ne cesse de faire des allers-retours entre la ville dans laquelle son amant a été enterré et Tokyo (la ville dans laquelle elle vit avec son mari ), elle ne cesse de passer par des tunnels. C’est comme si les tunnels avaient le pouvoir de la téléporter d’une ville à une autre, de faire la transition entre sa vie sentimentale publique et celle qu’elle a caché à tout le monde et qui fait qu’elle est maintenant en deuil. Et lorsqu’il y a des plans sur l’entrée du tunnel qui mène vers la ville de son amant décédé, le paysage paraît plus ensoleillé et plus apaisant que l’opposé du tunnel qui mène vers Tokyo.
Le cadre est d’ailleurs un élément extrêmement important dans la compréhension des sentiments de Watako. Takuya Katô a révélé qu’il ne voulait pas filmer les personnages de trop près afin de n’être que spectateur de leur intimité. Souvent, Watako se retrouve à la limite du cadre et ne semble pas pouvoir dépasser cette limite. C’est comme si elle se retrouvait coincée, que ce soit avec des personnes comme dans les scènes de discussions voir de disputes avec son mari Fuminori (interprété par Kentaro Tamura) . Ou juste quand elle est seule et qu’elle aimerait éviter de faire face aux sentiments qu’elle tente plus que tout de refouler. Ses sentiments, ce deuil, elle va petit à petit commencer à les accepter mais en gardant tout pour elle. Petit à petit, elle va de plus en plus vouloir parler de Kimura. Tout d’abord, avec son amie Eri (interprétée par Haru Kuroki) puis au père de Kimura. Bien sûr, elle va faire en sorte de cacher la relation qu’ils entretenaient, les apparences au Japon sont très importantes. Le père de Kimura est le premier à comprendre d’ailleurs.
Pour ce qui est de son mari, la situation est presque humoristique car à aucun moment il n’a suspecté sa femme d’avoir un amant lorsque Kimura était vivant, mais une fois que ce dernier décède, il est de plus en plus persuadé que sa femme le trompe avec un autre homme. Et Watako, qui ne cesse de s’éloigner de lui, ne fait que confirmer ses doutes. Mais le mari est loin d’être irréprochable et semble assez toxique. Au départ, il est à peine montré à l’écran et ensuite, plus il est montré et plus il semble anxiogène quand il tente de sauver son couple. Il est possible de prendre comme exemple la séquence durant laquelle Watako et Eri se sont rendues sur la tombe de Kimura et qu’elles y rencontrent son père. Fuminori l’appelle et préfère entendre un inconnu lui confirmer que sa femme est bien au cimetière que de croire sa propre femme (alors qu’il n’avait pas de doutes sur son infidélité à ce moment-là).
Sa famille semble aussi étouffer Watako puisque la mère de Fuminori ne cesse de débarquer chez eux à l’improviste pour garder l’enfant de ce dernier. Ce qui fait que même chez elle, elle n’est jamais sûre de pouvoir se reposer comme bon lui semble. Enfin, on apprend qu’à la fin que Fuminori a trompé Watako, par le passé, avec son ex-femme et qu’ils ont failli se séparer pour cela. Le spectateur comprend mieux pourquoi le couple avait tant de mal à être proche : il était déjà brisé au début du film. Donc malgré tous leurs efforts, ils ont tous les deux compris que l’amour ne leur suffisait plus et que pour le bien de chacun, la séparation est leur meilleure option. Le spectateur assiste à une rupture touchante et pleine de maturité qui montre que malgré leurs erreurs, ils se sont mutuellement pardonnés et qu’ils ne veulent que le bonheur de l’autre. De plus, Watako a enfin pu révéler tout ce qu’elle gardait pour elle et peut enfin entamer son deuil de manière saine.
Il est impressionnant de voir que le film partage peu de moments de bonheur finalement - mis à part quelques flash backs de Watako et Kimura. Il pourrait sembler lassant à première vue mais c’est tout le contraire. Le spectateur peut facilement s’identifier à Watako sans avoir vécu sa situation. Cela peut être par rapport au sentiment de déni qui peut rendre quelqu’un très malheureux ou juste sur la perte d’un être qui a compté pour lui et qu’il doit accepter de laisser partir. Ou le spectateur peut tout simplement ressentir beaucoup d’empathie pour Watako car l’actrice retransmet parfaitement la douleur du personnage qu’elle interprète. Donc malgré le fait que le spectateur ne connaisse pratiquement que la vie sentimentale de Watako et son secret, il ne cesse d’espérer que, pour son propre bien, elle va révéler la vérité afin qu’elle puisse aller de l’avant. Les personnages sont peu développés sur leur personnalité mais parfaitement incarnés par les acteurs. Les décors minimalistes et le peu de musique permettent de rajouter une forme de mélancolie qui est loin d’être désagréable, au contraire.
La Mélancolie n’est pas un film à regarder quand on se sent d’humeur joyeuse mais il mérite d’être regardé car c’est une belle histoire qui transmet un message qui s’adresse à tout le monde !
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