Le joker, l’anti-héro le plus connu de DC Comics a connu de nombreuses adaptations à l’écran, dont les meilleures sont toutes autant mémorables que les pires… Bien que Joaquin Phoenix nous livre une seconde performance glaciale, Joker : Folie à Deux est un film qui n’aurait peut-être pas dû être produit.
Une esthétique cruelle
A première vue, le second volet de Todd Phillips semble suivre l’esthétique du premier. Les plans sont souvent verts et jaunes, rappelant les couleurs du joker. Dans ce film, la colorimétrie est essentielle, elle nous permet d’entrer dans l’esprit sombre d’Arthur Fleck. Chaque plan est minutieusement travaillé et rend le film (seulement) visuellement réussi. Tout dans la mise en scène vient également contribuer à cette esthétique délabrée du Gotham des années 80 aux Etats-Unis.
Les scènes de violence sont crues, les bruitages sont presque autant intensifiés que dans Fight Club. Seulement, la colorimétrie rend les scènes presque “sales”, autant de vert donne presque autant la nausée au spectateur que des mâchoires ensanglantées. Pour rester dans ce sentiment d’écoeurement, les personnages ne font que fumer. Ce n’est pourtant qu’un détail mais à quasiment chaque scène du film : soit Arthur Fleck fume déjà, soit il demande une cigarette. Les spectateurs en ont presque toussé dans la salle.
Un brouhaha musical
Toujours dans cette idée d’identification au mental tangible de l’anti-héro, un changement radical s’opère dans ce second film. Il s’opère de la bande-son. En effet, Joker : Folie à Deux est une comédie musicale. De nombreux fans ont été déçus de le découvrir au moment du visionnage. Le cinéma d’aujourd’hui a tendance à de moins en moins marqueter ses comédies musicales comme telles, c’est notamment le cas de Wonka (2023) et Mean Girls (2023).
Faire chanter le joker n’est pas si anodin que cela en réalité. Dans les comics originaux, joker chante et danse fréquemment. Mais dans Folie à Deux, cela ne fonctionne pas et les chansons rallongent par conséquent le film. Faire chanter le joker pour le montrer sombrer dans son monde imaginaire délirant était une idée assez intéressante au départ. Mais une seule scène aurait suffi. Une unique scène musicale aurait pu surprendre le spectateur. Cependant, Joaquin Phoenix qui chante toutes les cinq minutes n’est plus surprenant mais barbant. L’effet poignant de la musique s’estompe très rapidement pour laisser place à de l’ennui. Comme dit Arthur Fleck à Lee à la fin du film : “Please stop singing” (“S’il te plaît, arrête de chanter”), pensée qui a traversé l’esprit de chacun des spectateurs. Ces scènes musicales semblent forcées. Certes, cela nous offre des scènes d’introspection quant au personnage mais nous ne comprenons pas réellement le lien qu'entretient le joker à la musique. Il se découvre une passion pour la musique en un claquement de doigts et paf ! Joaquin Phoenix fait des claquettes pendant que Lady Gaga est prête à manger son micro.
Une narration ponctuée de coupures (ruptures) musicales
Quant au scénario, il est très bancal, comme la plupart des remakes ou suite de films (excepté Shrek 2). Todd Phillips tente de faire passer quelques messages au travers d’une satire de la société. Cependant, ils sont les mêmes que dans le premier. Autant se cantonner au Joker de 2019 pour voir une critique des violences policières et du système de santé américain (bien que la France soit bien loin d’être un meilleur élève). Joker : Folie à Deux est un film à procès (entre deux chansons, voire pendant les chansons). Certains huis-clos réussissent à captiver l’attention du spectateur mais, ce n’est pas le cas de ce (trop) long-métrage. Les péripéties sont tirées par les cheveux et plus aucune action n’a de sens. Finalement, c’est comme si c’était Arthur Fleck lui-même qui avait réalisé ce film. La seule solution qui aurait pu rythmer le film aurait été les scènes musicales mais elles viennent rallonger le film, le rendant plus qu’ennuyant.
Des performances disproportionnées
Malgré un scénario plus que raté, Joaquin Phoenix est effroyablement bon. Son rire est toujours aussi terrible et nous fait frissonner. La scène où Arthur Fleck est dans la cour de prison, sous la pluie, en train de rire seul, est glaçante. Cela vient (en partie) sauver le film. S’il est très mauvais, Joaquin Phoenix reste excellent en tant que Joker. Nous ne pourrons pas en dire autant pour Lady Gaga. Elle semblait plutôt être un bon choix pour interpréter Harley Quinn. Elle avait déjà pu faire ses preuves dans l’horreur / le thriller avec la série de Ryan Murphy : American Horror Story. Cependant, son personnage fut tellement mal écrit que personne n’aurait pu offrir une performance à la hauteur (ou, dans ce cas, à la petitesse). Lee est un personnage creux, inintéressant et mystérieux. Elle n’est pas mystérieuse dans le sens où elle serait intéressante car elle cacherait des choses. Non, elle ne cache rien et le spectateur ne comprend pas son but. Cacher ses réelles intentions est une chose mais cacher tout le personnage de telle sorte qu’il en est réduit à un simple maquillage et du chant ? Non, Harley Quinn est fade.
La fin, sans la divulguer, est ridicule. Après un enchaînement de scènes interminables se retrouve avec un retournement de situation misérable. Le film a plus de fins que Le Seigneur des Anneaux, mais qui sont toutes très mauvaises (contrairement à la trilogie originale de Peter Jackson). Le spectateur ne demande qu’une chose, c’est que le film se termine, peu importe le déroulé tant la souffrance est insurmontable.
Les sorties en salle n’étant pas les meilleures ces temps-ci, il va falloir ranger sa carte UGC en attendant The Substance et Nosferatu pour avoir des vrais frissons plutôt que des clowns tueurs.
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