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Divinement divisant

Dernière mise à jour : 2 mai

Divines, sorti en 2016 est le premier long-métrage de la réalisatrice d’Houda Benyamina. Présenté à la Quinzaine des réalisateurs, il sera récompensé par la caméra d’or. Il est également l’un des rares thrillers français mettant en avant deux jeunes femmes racisées comme personnages principaux. Si la représentation des personnes et personnages racisés est toujours un combat important de nos jours, pouvons-nous déclarer que le film Divines fait état d’une représentation juste vis-à-vis des personnes racisées de banlieue ?



Le point de vue de la réalisatrice

         Tout d’abord, le point de vue du long-métrage est celui d’Houda Benyamina, réalisatrice racisée d’origine marocaine. Elle grandit dans des quartiers où l’injustice et les inégalités règnent. C’est de son passé dont elle va s’inspirer à l’écriture de Divines. Ainsi, son point de vue ne peut être biaisé. Elle puise de son vécu, de la réalité. Nous pouvons citer Bande de filles en contre-exemple, réalisé par Céline Sciamma, femme blanche, issue d’un milieu moyen. Réaliser un film sur les banlieues lorsque l’on est une femme blanche d’un milieu moyen est possible. Cependant, il faut pouvoir s’entourer de personnes qui connaissent réellement le sujet (peut-être des personnes issues elles-mêmes des banlieues) afin de rendre une représentation juste de ces banlieues.


Des personnages puissants

         Tout le long du film est porté par deux personnages puissants : Dounia (Oulaya Amamra) et Maimouna (Déborah Lukumuena), deux jeunes femmes racisées. Leur duo est « sans limite ». Elles se montrent comme rebelles et ne répondent pas à ce que la société attend d’elles : elles n’en ont rien à faire. Cette rébellion est agréable à voir, d’autant plus lorsqu’elle est conférée par des femmes, qui sont souvent attendues comme calmes et respectables. Dounia et Maimouna font tout l’opposé. Si au premier abord, cela peut paraître gênant de voir leur irrespect total des règles, on s’attache vite à leur tempérament de feu et leurs rires incontrôlables. Sans pour autant aller jusqu’à s’identifier aux personnages, le spectateur se sent inclus et a l’impression de presque faire partie du duo.


La foi

         La religion est un thème important dans Divines. Déjà dans le titre, le long-métrage laisse supposer à une dimension mystique. Bien plus que ça, le film présente l’Islam au-travers du personnage de Maimouna et de sa famille, notamment son père qui est imam. La plupart du temps, la religion musulmane est vue comme un frein à l’émancipation des jeunes femmes. Nous pouvons par exemple citer Mignonnes (2016) de Maïmouna Doucouré, dans lequel est dépeinte une version hyper traditionnelle de la religion musulmane, qui sera donc une contrainte dans la liberté d’expression de la jeune pré-adolescente Amy. Pourtant, dans Divines, Maimouna balance parfaitement sa vie personnelle et sa vie de croyante. Sa foi est un pilier de sa vie sans en être une contrainte.


L’inversion des rôles

         L’un des points forts du film est l’inversion des rôles. Divines met en avant des femmes dans des rôles codés pour les hommes. C’est notamment le cas de la dangereuse dealeuse. Figure d’autorité et surtout de pouvoir, Rebecca engage les deux femmes à leur demande. Il n’a presque jamais été vu de femmes dealeuses auparavant, le rôle étant souvent masculin. Le film fait alors en partie penser à une version féminisée de La Haine. De plus, presque tous les rôles sont attribués à des personnes racisées : Dounia (Oulaya Amamra), Maimouna (Déborah Lukumuena), Rébecca (Jisca Kalvanda), Samir (Yasin Houicha), Myriam (Majdouline Idrissi), etc. Le seul personnage non racisé est Djigui, l’homme blanc qui parvient à séduire Dounia grâce à la danse.

 

Le sauveur blanc        

Le problème principal du film est justement ce personnage. Dounia et Maimouna sont des jeunes filles intelligentes et malignes, qui arrivent toujours à se débrouiller par elles-mêmes. Djigui est un danseur dont les deux jeunes filles se moquent au premier abord mais quand Dounia le voit danser, son cœur chavire. A la presque fin du film, elle décide de le suivre jusqu’en Angleterre pour fuir son ancienne vie de « délinquante » et devenir respectable. Ce qui rendait Dounia unique était son caractère vif et rebelle, sa volonté de ne pas cocher les cases et de se définir par elle-même. En suivant Djigui, elle renonce à qui elle était auparavant, à son identité. C’est l’amour qui semble venir la sauver de la cité, avant que celle-ci ne la rattrape.


La cité, un cercle vicieux

         La « cité », est un personnage à part entière du film. C’est peut-être même l’antagoniste lui-même du film. C’est elle qui viendra séparer Dounia de son prince charmant tout en tuant sa meilleure amie, Maimouna. Tout le film et les moments intenses se passent en banlieue. Un thriller qui se déroule en banlieue n’est pas gênant. C’est plutôt le fait que lorsque la banlieue est montrée à l’écran, c’est toujours pour montrer ses défauts, ses problèmes. Et la seule solution offerte par le film pour s’en sortir (avant l’amour) : la drogue. Divines vient alors ressasser des histoires vues et revues sur les cités comme des endroits fréquentés par les délinquants.


Casting diverse mais pas tous égaux

         Enfin, si le casting est constitué essentiellement de personnes racisées, ce n’est pas pour autant qu’il n’existe pas une différence entre Dounia et Maimouna. En effet, c’est Dounia qui a le droit à son escapade romantique avec l’homme blanc, tandis que Maimouna se fait sermonner par son père par ses bêtises. Si les deux femmes se « relookent » pour aller en boîte, la mise en scène mettra bien plus en valeur Dounia, qui répond plus aux attentes de la société : corps mince et peau plus claire contrairement à Maïmouna, qui est grosse et noire. Elle est sur une scène en hauteur, bien à la vue de tout le monde, tandis que Maimouna la regarde d’en bas. C’est aussi Maimouna qui mourra à la fin du film.

 

Solutions ?

         Ces clichés auraient pu être évités par des choix simples au niveau du scénario. Tout d’abord, Maimouna aurait dû être le personnage principal du film, pour ainsi laisser Dounia comme antagoniste du film. En effet, c’est à chaque fois « à cause » d’elle si les deux font face à des problèmes (elle l’incite pour devenir dealeuse, sont arrêtées par la police et meurt à la fin du film). Ensuite, Djigui aurait pu être interprétée par une autre femme racisée et sans aucune relation amoureuse. L’émancipation par la danse, l’art a seulement été amorcé dans le film et aurait dû être plus approfondie. Ainsi, Dounia trouve une échappatoire à ses problèmes grâce à l’art, et non grâce à un homme blanc qui lui fait oublier qui elle est.

 

 

         Finalement, si Divines propose des avancées (surtout pour l’égalité hommes-femmes dans les archétypes de personnages), il persiste tout de même certains problèmes qui doivent être pris en compte afin de garantir une représentation équitable. Le long-métrage vaut toutefois la peine d’être vu et offre un casting plus inclusif. 


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