Azur et Asmar font de la motocross.
- Marine
- 17 févr.
- 3 min de lecture
Porter des TN à l’enterrement de son meilleur ami, pourquoi pas ? Des sauts en motocross à fumer des clopes dans un hôpital désaffecté, Antoine Chevrollier n’a pas froid aux yeux quand il s'agit de faire le portrait de la jeunesse rurale, en marge de la ville et des grandes universités. La Pampa, présenté à la Semaine de la Critique de Cannes 2024, est avant tout une histoire d’amitié entre Willy (Sayyid El Alami) et Jojo (Amaury Foucher). Pour tuer leur ennui, les deux adolescents s’entraînent à La Pampa, un terrain de motocross, parfois sous le regard intransigeant du père de Jojo (Damien Bonnard) et de Teddy son entraîneur (Artus). Mais tout bascule le soir où Willy découvre le secret de Jojo.
Un casting cinq étoiles :
On y retrouve le talentueux Sayyid El Alami – qui avait déjà tourné pour le réalisateur dans la série Oussekine – aux côtés d’Amaury Foucher, un nouveau visage du cinéma français repéré lors d’un casting sauvage. Les deux acteurs ont une apparence physique radicalement opposée, l’un est bronzé aux cheveux noir, l’autre très blond aux yeux bleus. Ce contraste m’a fait directement penser à Azur et Asmar de Michel Ocelot, une belle histoire d’amitié dont la puissance qui traverse les âges avait bercé mon enfance.
Notons la présence étonnante d’Artus, un acteur surtout connu pour ses rôles comiques, qui incarne Teddy, un rôle à contre emploi puisque tragique et cruel, et pour lequel il se transforma physiquement, notamment en perdant 20kg.
Une histoire tragique, où l’amitié reste le centre de tout :
Dans La Pampa, on a une représentation d’amitié entre garçons assez inhabituelle au cinéma. La relation entre Willy et Jojo, qui paraît reposer sur des codes associés à la virilité au premier abord, pour nous prendre à rebours et laisser place à beaucoup de douceur, de tendresse, de confidences. Lorsque Willy découvre le secret de Jojo, tout est bouleversé mais pourtant rien ne change entre eux. Les fous rires laissent place aux longs silences lourds de sens. Leur relation est immuable comme leur tatouage sur l’avant-bras.
La jeunesse rurale, un lien avec les racines du réalisateur :
Antoine Chevrollier affirme s’être inspiré du cinéma d’Andréa Arnold, des mangas, du rap, et de sa propre jeunesse. Le tournage du film s’est d’ailleurs déroulé dans dans son village natal, à Longué-Jumelles dans le Pays-de-Loire.
Avec sa caméra, il capture un territoire, une époque, des sensations comme celle d'un bain de minuit dans une piscine municipale ou la chaleur d'un rayon de soleil. Ces derniers temps, de nombreux films traitent de thèmes d’actualité qui touchent la jeunesse des campagnes, comme Vingt Dieux par exemple. Une jeunesse bien souvent laissée de côté et moquée. Rat des villes ou rat des champs ? Le cinéma illumine ce paradoxe, on est un rat tout court ou on n’est pas.
Dans La Pampa, on parle de cyberharcèlement, de masculinité toxique, de deuil (familial, mais pas que) mais aussi de thèmes plus joyeux comme l’amour, l’amitié, l’insouciance… Ce drame initiatique met en lumière la complexité de l’adolescence à travers des personnages confrontés à la violence d'un monde adulte, mais aussi à la découverte de l’amour et de l’amitié.
La Pampa parle aussi de déterminisme social, du manque d’accès à la culture en ruralité. Le personnage de Marina (Léonie Dahan-Lamort) incarne ce lien, mais aussi ce fossé entre ces deux mondes. Elle emmène Willy à Angers et les deux personnages s’extasient devant la tapisserie de l’Apocalypse, qui devient une métaphore du choc culturel et de la possibilité d’évasion.
“Marina offre à Willy une autre possibilité, un autre monde. On raconte aussi à cet endroit-là un rapport de classe.”
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