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American History X: l’homme face à la haine

  • Photo du rédacteur: Océane
    Océane
  • 4 déc. 2024
  • 10 min de lecture

TW: spoilers, violences (sexuelle, physique, raciste)


Tony Kaye marque la fin du XXème siècle par son premier long-métrage intitulé American History X. Sorti en 1998, le film raconte comment Derek Vinyard interprété par Edward Norton un ancien militant d’extrême droite tente de reprendre sa vie suite à sa sortie de prison après avoir tué deux hommes. Le long métrage se concentre en parallèle sur le personnage de Danny interprété par Edward Furlong, le frère cadet de Derek qui suit le même chemin que son frère en étant dans le groupuscule néonazi et raciste que lui.


Edward Furlong et Edward Norton dans American History X

Evolution idéologique par violences physiques


Aussi violente que fascinante, cette première scène introduit bien le ton du film. L’introduction de l’histoire est froide et violente. Au début du film nous avons un regard manichéen de la situation avec l’image en noir et blanc, puis avec l’arrivée des couleurs, ce regard se nuance. De manière plus factuelle les scènes en noir et blanc sont les scènes antérieures au temps narratif du film. Cependant une autre hypothèse peut se tenir concernant la présence du noir et blanc au début du long métrage. Le dépouillement de couleur peut indiquer l’état d’esprit de Derek. En effet, le noir et le blanc peut signifier que ses idées sont dépassées, qu’elles font partie du passé. Ainsi le nouveau Derek, celui qui a purgé sa peine, prône de nouvelles idées qui sont contraires aux anciennes. Le passage aux couleurs permet au spectateur de comprendre qu’il ne croit plus en ces idées. 


Lorsqu’un phœnix ressent qu’il n’a plus rien à faire sur terre, il ne devient que poussière. Dans ce long-métrage, le phœnix est Derek. La mort symbolique ici se présente sous la forme de la prison. En effet, si nous comparons les deux Derek, nous pouvons voir une dualité apparaître entre son état d’esprit et ses croyances avant et après son enfermement. La prison aussi dure qu’elle a été pour lui, lui a été bénéfique et c’est par ailleurs ce qu’il dit à Danny après lui avoir révélé son témoignage. Il a fait face à une confrontation entre les idées qui lui ont été inculquées pendant ses années en tant que bras droit de Cameron et la dure réalité de la prison où appliquer ces idées n'est pas possible. En effet, lorsqu'il arrive en prison, il trouve un groupe d’hommes partageant les mêmes idées que lui sauf que ces derniers entreprennent des affaires avec d’autres détenus dont des mexicains ce qui paraît inacceptable pour Derek qui va progressivement se détacher d’eux. Ceci constitue la première fissure avec son idéologie. La seconde s’incarne à travers le personnage de Lamont, un codétenu noir qui travaille à ses côtés dans la laverie. Grâce à lui, Derek change petit à petit d’idées. Ce changement s’opère à travers l’amitié qui naît. Avant que l’amitié se crée, Derek était hostile à Lamont, puis dès qu’il a coupé tous liens avec son groupe d’origine dans la prison, sa vue sur le monde a changé et il a vu la personne avant la couleur de peau. On peut noter qu’il joue par plaisir au basketball avec des hommes de couleur. La dernière coupure avec son idéologie s’effectue avec la scène de viol dans les douches de la prison. Pour punir Derek de son éloignement à eux et de traîner avec des noirs, le groupe d’individus d'extrême droite de la prison vont le violer très brutalement dans les douches. Cette scène représente la mort du phœnix, les éléments antérieurs à cette scène permettent d’avertir le spectateur de cette mort spirituelle. La prison permet à Derek de connaître une évolution spirituelle spectaculaire. Auparavant, la haine aveuglait ses idées et son comportement. On peut notamment penser à deux scènes qui s’opposent mutuellement. Une, en noir et blanc où Derek devient violent envers sa sœur lors d’un repas de famille et l’autre en couleur où Derek borde ses deux sœurs. Lorsque Derek sort de prison, il cherche à écarter sa famille de son passé, il veut la protéger et devenir l’homme qu’il devait incarner après la mort de son père.


Comme dans beaucoup de long-métrages, l'influence familiale tient une place importante. Ici cette influence se manifeste à travers nos deux protagonistes, Derek et Danny. Étant le grand frère et l’homme de la famille suite au décès prématuré du père, Derek devient pour Danny le modèle, l’homme qu’il faut imiter. Cet adolescent est perdu sans son grand frère, il veut à tout prix l’impressionner. C’est ainsi qu’il commet les mêmes erreurs que son grand frère avant lui. Lorsque nous sommes petits, nous cherchons toujours à ressembler à notre “héros” et ce dernier se présente souvent dans notre famille ainsi nous cherchons à l’imiter tout comme Danny avec Derek. On découvre à la fin du film que l’ultime influence raciste des deux garçons est celle de leur père. Autour d’un repas familial, le père et l'aîné discute du devoir que Sweeney, l'ancien prof de Derek et maintenant celui de Danny lui a donné et ces livres à lire que le père qualifie de “livres de noirs”. Le père remet en question l'enseignement que Sweeney offre à Derek. Il critique le mouvement des noirs pour s’intégrer dans la société. Il emploie également le mot “nègre” afin de dénigrer les noirs ce qui témoigne de la tendance raciste du père. Ce qui est intéressant à retenir dans cette scène c’est la réaction de Derek face aux dires de son père. Au début, il cherche à défendre son opinion qui contredit celle de son père mais il finit par douter de lui-même et le croit. A ce moment précis Derek ne devient à son tour que le reflet de son père sur le plan politique. Ce schéma se produit dans de nombreuses familles. De manière générale, les opinions politiques ou encore culturelles se transmettent de génération en génération. Ainsi la pensée individuelle se heurte à une pensée commune. La majorité l'emporte toujours face à la minorité.


Derek est face à lui-même lorsqu’il voit Danny. Tel le reflet qu’on déteste voir dans le miroir, Danny incarne symboliquement ce reflet qui suit Derek malgré une volonté de détachement. En effet, en voulant lui ressembler physiquement et moralement, Danny rappelle à Derek l’homme qu’il était avant d’aller en prison, un homme aveuglé par la haine. Tout au long du film, de nombreux personnages mettent en avant les similitudes entre Danny et Derek. Ils prennent Derek pour responsable concernant le comportement de Danny, on peut notamment citer Sweeney au début du film: “Tous tes actes sont conditionnés par Derek”. On comprend donc que son comportement ne provient pas de lui, qu’il n’est pas inné mais acquis. Danny lui-même se rend compte qu’il n’est que l’ombre de son frère lorsqu’il dit: “les gens me regardent et voient mon frère”. Danny comprend qu’il n’est qu'une copie de Derek. Avec du recul, Derek se rend compte de la mauvaise influence de Cameron, le chef du groupuscule néonazi de Venice Beach sur son frère à cause de lui. On peut également s’arrêter sur le personnage de Cameron interprété par Stacy Keach qui est présenté comme le leader de ce groupe de néonazi. Cependant il est mis en avant dans le film qu’il n’est en réalité qu’un beau parleur qui endort des individus en quête d’un chef à suivre. Il monte la tête de ses adhérents perdus avec eux-mêmes notamment à cause du contexte social et leur fait faire des actions criminelles tandis que lui ne fait rien. Ses partisans, agenouillés face à un si grand charisme, détruisent leur esprit critique mais aussi leur futur. Il est la voix et eux les muscles. C’est ce que Derek lui reproche lorsqu’il discute après sa sortie de prison. Il l’accuse d’avoir baratiné  les partisans avec des actes dits héroïques alors qu’en réalité il n’a rien fait, on peut penser notamment aux années de prison qu’il n’a jamais faites. 


Tout au long du film, on assiste à un rejet de l’idéologie néonazie. Tout d’abord de manière directe à travers Derek puis de manière indirecte par le biais de Danny. Dès la première image de Derek en couleur, on peut déjà comprendre qu’il est en décalage avec cette idéologie. Contrairement à cet homme violent et froid de la scène d’exposition, il a des cheveux ce qui peut paraître anodin alors qu’en réalité cela représente une première opposition à l’image qu’il doit incarner par rapport à son groupe. Lorsque les deux garçons rentrent après la révélation de Derek, ils mettent fin à l’emprise de cette idéologie sur eux en déshabillant leur chambre de ce poison intellectuel en enlevant tous les posters nazis. Un autre élément est à prendre en considération dans cette idée du rejet: le tatouage nazi de Derek. Cet élément constitutif de l’identité de l’ancien Derek tient une place importante dans le long métrage et il se voit comme outil de ce rejet intellectuel. Tout d’abord d’une manière extérieur au protagoniste lors de l’arrestation de Derek quand le policier cache avec sa main le tatouage nazi. L’autre manière est interne car c’est Derek lui-même qui cache son tatouage lorsqu'il s’observe dans le miroir. La scène du viol dans les douches marque aussi une rupture avec la pensée nazie. Après s’être fait agressé, il tombe par terre, et de manière métaphorique, il s’agit de la chute des croyances de Derek. En effet lorsqu’il chute, nous voyons au premier plan son tatouage nazi situé au niveau de son cœur tomber. Par la suite, nous assistons à une succession de plans qui alterne le sang de Derek et ses tatouages nazis. Le soldat que représente Derek selon l’idée de son groupuscule est à terre à cause de ses idées.

 

Cercle vicieux des violences systemiques


Ce long-métrage ne cherche pas seulement à critiquer une idéologie qui se fonde sur la haine et sur un sentiment de supériorité, il veut également soulever un problème de société: la quête constante d’un modèle. Tout comme un enfant qui se construit, l’adulte éponge ce qu’il voit pour évoluer ainsi il cherche un individu qui aura toutes les qualités qui sont propice à une réussite personnelle et professionnelle. Si on analyse le personnage de Danny, on se rend rapidement compte qu’il est perdu, qu’il se cherche et que c’est pour cette raison qu’il prend la figure paternelle la plus proche qu’il a en modèle. Tout ce qu’il souhaite incarner par rapport à son éducation est réuni dans la personne que représente son frère aîné. Par idolâtrie pour son frère, il n’a pas témoigné lors du procès pour meurtre, il a bien conscience que s’il l’avait fait, Derek aurait était condamné à perpétuité. On peut voir qu’en vénérant son modèle, il a laissé de côté sa morale. Plus largement, tous les personnages de ce film veulent ressembler à quelqu’un d’autre. C’est ainsi qu’une pression s’installe afin de ressembler aux autres: trouver une place. 


Le dénouement du film se concentre sur Danny qui est tué par un de ses camarades de lycée, un camarade qui avait déjà fait son apparition plusieurs fois antérieurement. Une mort aussi surprenante qu’artistique. Vouloir avancer et pouvoir avancer sont deux choses distinctes qui ne fonctionnent pas nécessairement ensemble et Danny le comprend bien par la mort. En effet, tel un oiseau qui prend son envol, Danny déploie ses ailes avant de délivrer son dernier souffle dans les toilettes de son lycée. Lorsqu’il est tué, Danny étire ses bras vers le haut et cette image ressemble étrangement à celle d’un oiseau, un oiseau qui est en réalité perçu tout au long du film. La figure de l’oiseau suit nos protagonistes dans de nombreuses scènes. Ainsi cela peut-il signifier qu’il est enfin libre ? Il ne serait pas libre physiquement mais spirituellement, c’est ainsi que cette liberté peut être interprétée. Cependant il est possible d’interpréter cela d’une autre manière. Si on reprend l’idée du phœnix, Danny est mort à un moment de transition, il se sépare d’une idéologie pour trouver de nouvelles idées. Contrairement à Derek qui a pu renaître, Danny ne peut pas s’affranchir des actions qu’il a commis par le passé, le passé lui revient tel un boomerang. Sa mort était inévitable: la jeunesse paie le prix des générations antérieures. Cette jeunesse commet des actions dont elle ne connaît même la raison. Cette fin est parfaite dans ce cercle de la pression haineuse se reproduit. En effet, poussé par une haine dont il ne comprend même pas la cause, ce jeune homme va tuer froidement Danny de plusieurs balles dans le corps. Le schéma se répète car Derek lui-même pour ces mêmes raisons avait tué deux autres hommes.  Ainsi on peut se poser une question: est-ce réellement la faute de ce jeune homme? Si l’on reprend le paragraphe sur la quête d’un modèle, on comprend qu’il y a une faille sociale concernant la construction de l’adolescent. En plein milieu de cette deuxième dizaine d’année, l’humain cherche à se construire et ici le film montre que cette recherche peut mettre l’adolescent en position de vulnérabilité. Il peut entreprendre des actions qu’il n’a pas réellement envie de faire et adhère à des idées à cause de cette pression. Lorsqu’il tire sur Danny, on se rend bien compte qu’il était hésitant et qu’une part de lui ne voulait pas le faire mais se sentait obligé et on comprend cela subtilement avant cette scène lorsque lui et un autre homme annonce la mort du personnage en passant devant la maison de la famille Vinyard et en imitant une arme à feu à l’aide de sa main. On comprend par cette scène qu’il s’agit de l’idée de l’homme plus âgé que lui.


Comme Danny le dit pour conclure son essai “la haine est une saloperie, la vie est trop courte pour avoir la haine. Ça n'en vaut pas la peine” alors je vais lui emprunter pour conclure cet écrit également car il est important de rappeler la dure réalité et les inégalités qui naissent face à la haine. C’est par ailleurs un autre point que ce long métrage soulève: le racisme policier. Lorsque Derek devient ami avec Lamont, il discute tout deux des raisons qui les ont menés en prison et ce que lui dit Lamont choque profondément Derek. Lamont a pris 6 ans de prison pour avoir volé une télé. Cependant ce qui lui a valu ces 6 années ont été qu’il a, selon les policiers, agressé un policier sauf qu’en réalité la télévision est tombée par accident sur lui lorsqu’il a attrapé Lamont. Ainsi la peine qu’il a eu était en réalité pour coup et blessure sur un policier. Ici Tony Kaye dénonce un phénomène qui se produit très fréquemment aux Etats Unis: les bavures policières et le racisme. Quand on compare avec Derek qui a pris moins que lui alors qu’il a tué, on voit bien une faille dans la justice américaine. Le réalisateur, par le biais de son film, cherche à sensibiliser le public concernant le danger de la haine envers autrui. Au lieu de créer des différences entre nous, il est important d’être solidaire et de prôner l’égalité et non la haine.

 

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